Les clandestins peuvent prendre le train tranquillement et gratis : la direction de la SNCF se couche devant la CGT

La section locale de la CGT des cheminots de Bordeaux représente-t-elle l’opinion de l’ensemble des contrôleurs de la SNCF ? On peut en douter. Jugez-en vous-mêmes.
Une note interne du 16 février a suscité son émoi : "“Lors de vos missions”, précise-t-elle, “si vous remarquez la présence d’un groupe constitué de population migrante, il est rappelé l’absolue nécessité de ne pas vous exposer” et d’“aviser l’escale et le SA Rennes”". Il est indiqué, notamment, "si la situation le permet, de recueillir le maximum d’informations (nombre de personnes, présence d’enfants, gare de destination, raisons de cette mobilité…)" et "si le dialogue est possible, [de] rappeler la possibilité de voyager en règle".

Voilà qui est dit avec précaution, dans un vocabulaire qui relève de l’euphémisme. Cette note a pourtant provoqué l’indignation de la section locale de la CGT, qui estime que ce n’est pas le travail des contrôleurs, et refuse de "faire du délit de faciès" ou de se comporter "comme une milice de la préfecture". Elle dénonce "une incitation à des pratiques de discrimination et de délation vis-à-vis d'une population d'usagers de par leurs origines ou leur apparence physique". Pire : "Les préconisations sous-entendent que des usagers d'origine étrangère qui voyageraient en groupes seraient soit disant (sic) dangereux et en situation de fraude."

Gênée aux entournures d’être accusée de discrimination, la direction a joué aux Ponce-Pilate : cette note serait "le fruit d’une initiative personnelle" et "la direction régionale n’en avait pas connaissance et ne l’a donc pas validée". Et d’ajouter qu’« [elle] ne reflète en aucun cas la politique nationale de la SNCF qui se doit de communiquer les coordonnées des services pouvant aider les populations concernées par la crise migratoire".

Certes, ce n’est pas la mission première des contrôleurs de signaler des groupes de migrants illégaux. Ce serait plutôt le rôle de la police. Encore faudrait-il disposer des effectifs nécessaires. Mais n’est-ce pas un devoir civique de donner des informations aux autorités de tutelle, quand ils en remarquent sur les quais ou à bord des trains ? Que dirait-on d’un professeur qui, constatant que des élèves se droguent ou sont manifestement perturbés, n’en parlerait pas à sa direction ou au conseiller principal d’éducation, en arguant que ce n’est pas son travail ?

Dans ces instructions contestées, on apprend aussi que des migrants voyageraient sans billet, puisque la note rappelle pudiquement qu’il est possible de "voyager en règle". Faut-il que la CGT s’en indigne et y voie une forme de « discrimination » ? Voudrait-elle exprimer sa solidarité avec ces nouveaux prolétaires ? À coup sûr, les contrôleurs qui ne sont pas offusqués par cette note sont des collaborationnistes et des fachos !

La direction de la SNCF, avec le courage de ceux qui baissent leur culotte, a retiré cette note et fait acte de contrition : elle rappelle que "la politique nationale de SNCF […] se doit de communiquer les coordonnées des services pouvant aider les populations concernées". Si l’on comprend bien, les contrôleurs ne peuvent pas signaler les groupes de migrants illégaux, mais doivent faire le travail de l’administration ou des associations qui leur viennent en aide.

Il ne s’agit pas, bien sûr, de traiter les migrants qui se déplacent en train comme des parias. Mais la moindre des choses serait de ne pas pratiquer à leur égard quelque « discrimination positive », surtout quand ils sont dans l'illégalité. On verbaliserait sans état d’âme une personne âgée qui a oublié sa carte senior, mais on refuserait de signaler un groupe de migrants dans l'illégalité ? Voilà qui n’est pas très sérieux et tient d’un choix plus partisan qu’humaniste !

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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