Cinéma : The Batman, de Matt Reeves
Il y a, de nos jours, un consensus parmi les amateurs de cinéma pour considérer les films de super-héros comme un genre mineur, voire méprisable.
Certes, nous partageons largement l’agacement de certains à voir pulluler ad nauseam des « produits » cinématographiques plus ou moins formatés et attribuant à tort dans notre imaginaire les valeurs héroïques aux États-Unis d’Amérique, mais il convient malgré tout de reconnaître le succès populaire d’un tel cinéma, lequel devient même nécessaire au financement de petits « films d’auteur » que plus personne ne va voir. Un succès qui s’explique en partie par le constat objectif que font ces films de super-héros sur l’explosion de la criminalité dans les sociétés occidentales et sur l’impunité dont jouissent les criminels, la Justice ayant été réduite à l’impuissance par le surdéveloppement du droit et par ses biais idéologiques.
Le succès des films de super-héros, financés par Marvel ou DC Comics, s’explique aussi par le fait qu’ils sont pratiquement les seuls à reproduire aujourd’hui les archétypes du récit homérique pourtant essentiels à la formation morale et comportementale de l’adolescent. L'Iliade et L'Odyssée fixaient, en leur temps, le Bien et le Mal, et donnaient en modèles de virtus Achille, Hector ou Ulysse. Cette tradition fut reprise ensuite par la chanson de geste, notamment la Chanson de Roland, puis par la légende arthurienne et son héritier l’heroic fantasy dont l’œuvre de Tolkien, en particulier, a marqué les esprits. Les comics et les films de super-héros ne font que remettre au goût du jour ce type de récits.
Batman est un cas un peu à part, dans cet univers. Loin du héros archétypal de jadis, auquel souscrit davantage Superman, nous avons là un antihéros dont les névroses et la noirceur, conformément à un certain imaginaire libéral (mandevillien), sont mises au service du bien commun – ce n’est pas pour rien que Bruce Wayne est milliardaire…
Jusque-là, les adaptations de Batman n’assumaient pas totalement l’antihéroïsme du personnage principal et, de ce fait, s’adressaient à tous les âges, le Bien et le Mal y étant clairement définis. Avec The Batman, qui démarre à zéro une nouvelle saga, Matt Reeves lorgne ouvertement sur le vigilante movie – on pense évidemment à Charles Bronson avec son Justicier dans la ville – et s’adresse ainsi aux adultes. Le Batman qu’incarne à l’écran Robert Pattinson est alors présenté comme un personnage tangent, soumis à ses passions et capable de démesure. Tout l’enjeu, semble-t-il, de cette nouvelle saga sera de savoir si le justicier masqué parviendra jusqu’au bout à rester dans les clous. Partant du constat que notre époque ne croit plus au héros sain et désintéressé – comme si l’idéal de vertu porté par le héros traditionnel était devenu trop difficile à atteindre – et que l’antihéros – moins exigeant – est déjà omniprésent à la télé comme au cinéma, la position anticonformiste serait d’affirmer pleinement la bonté de Batman ; pas sûr que Matt Reeves parvienne sur plusieurs films à résister à l’ère du temps.
Le récit, en soi, respecte plus que jamais l’esprit de la bande dessinée en renouant avec le polar crépusculaire et nous propose une enquête criminelle complexe sur fond de corruption généralisée et de pourrissement de la ville de Gotham. Émergent alors, tels des furoncles se nourrissant de la crasse, toute une série de criminels plus pervers et détraqués les uns que les autres – Paul Dano nous propose un « Riddler » inquiétant, bien moins bouffonnant que celui de Jim Carrey dans Batman Forever.
D’un point de vue esthétique, le réalisateur se situe à l’intersection du gothisme de Tim Burton et de l’approche plus contemporaine de Christopher Nolan. Le résultat évoque M le maudit et les richesses d’un certain expressionnisme allemand. Nul doute que le film parviendra à contenter les amateurs du justicier, notamment ceux qui déploraient chez Nolan son aspiration (vaine) au « réalisme ».
4 étoiles sur 5
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2 commentaires
Dans un Gotham , nocturne , pluvieux , et violent , Batman agite ses tourments et sa musculature , il a une étonnante romance à l’eau de rose avec une craquante Cat-Woman , un Pingouin joué par Colin Farrel enlaidi, vieilli, méconnaissable ; excellent , un tantinet long peut-être.
Fort heureusement des villes et des pays pourris ça n’existe que dans les BD (ironie noire !) .Malheureusement nous n’avons pas Bat-man