[Cinéma] Limbo : le polar hongkongais s’essaie à l’exercice de style

Capture d’écran (3062)

Nous évoquions, l’an dernier, la nouvelle sortie de la saga Infernal Affairs en version restaurée, éditée depuis lors dans un magnifique coffret Blu-ray. Véritable chef-d’œuvre du polar hongkongais, la trilogie d’Alan Mak et d’Andrew Lau n’a rien perdu de son prestige en vingt ans, si bien qu’il est difficile pour les nouveaux films policiers de la « Perle d’Orient » de se hisser à sa hauteur. Seul le cinéma de Johnnie To parvient de façon sporadique à se démarquer, souvent grâce à son mélange d’humour burlesque et d’action hyper-chorégraphiée.

Dans un style plus brut, plus cafardeux aussi, évoquant à sa manière un réalisme poétique sous overdose, Limbo, de Soi Cheang, est actuellement en salles.

Adapté de The Wisdom Tooth, le roman de Lei Mi, le film confronte deux policiers à un tueur en série des bas-fonds de Hong Kong qui s’en prend aux jeunes femmes et leur coupe la main gauche selon un mode opératoire clairement défini. Cham Lau, flic vétéran et taciturne, doit à la fois résoudre cette affaire, composer avec Will Ren, un jeune supérieur ambitieux, prometteur et soucieux de rester dans les clous, et dompter ses démons intérieurs lorsque réapparaît en ville la délinquante par la faute de qui son épouse est condamnée à vivre en hôpital sous respirateur artificiel. Pleine de remords, la jeune droguée, Wong To cherche à se racheter par tous les moyens et, de fil en aiguille, participe à leur enquête…

Récit de deux policiers qui, à vouloir traquer un tueur de femmes, négligent et malmènent celle qui leur offre son aide, et en paieront finalement le prix fort, Limbo est à appréhender comme une fable noire dont l’intérêt tient moins aux péripéties de l’enquête et à sa résolution – le tueur est (trop) facilement débusqué – qu’aux moyens de sa mise en scène.

Prenant pour cadre les quartiers crasseux et insalubres d’un Hong Kong pluvieux, parfait théâtre d’immondices aux sols jonchés d’ordures, Limbo joue à fond la carte des personnages archétypaux du genre, marginaux de la société à peine récupérables, perdus dans des décors qui leur ressemblent, étouffés dans la moiteur lourde. Le film évoque par son postulat scénaristique Memories of Murder, du Coréen Bong Joon-ho, en moins cérébral cependant. Plus physique, plus primaire sans doute, le film fait davantage la part belle aux bagarres de rue et courses-poursuites dans les quartiers sombres et malfamés qu’aux longues réflexions et aux errements sur le sens de la vie. Peu axé sur la psychologie, sinon de bazar, le film assume un certain côté balourd qui n’a rien de déplaisant. Le grotesque n’est jamais bien loin, mais les qualités d’image (un noir et blanc aux contrastes magnifiques), associées à un montage nerveux, confèrent à l’ensemble un certain charme.

 

3 étoiles sur 5

https://youtu.be/02zbHmptyWE

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 01/08/2023 à 22:25.

Pierre Marcellesi
Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

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