Cinéma : La Conférence, et l’élaboration de la « solution finale »

Capture d’écran (2249)

Nous sommes au début de l’année 1942. L’Allemagne étend alors sa domination sur une grande partie de l’Europe : les territoires de l’ancien Empire d’Autriche-Hongrie, dissous au lendemain de la Première Guerre, sont à sa merci, tout comme la Pologne, le Danemark, la Norvège, le Luxembourg, la Belgique, la France, la Yougoslavie et la Grèce. Au mois de juin précédent, Hitler a commencé à envahir l’Union soviétique ; les États baltes sont rapidement tombés sous son contrôle, ainsi que la Biélorussie et une grande partie de l’Ukraine. Les Américains viennent tout juste d’entrer en guerre, suite au bombardement japonais de Pearl Harbor, mais l’Allemagne a désormais les mains libres sur le continent européen ; le projet nazi va pouvoir franchir une nouvelle étape dans l’abjection.

Le 20 janvier 1942, Reinhard Heydrich, chef de la sécurité du Reich, récemment promu vice-gouverneur de Bohême-Moravie, reçoit dans une villa majestueuse à proximité de Berlin une quinzaine de dignitaires du régime afin de leur exposer sa « solution finale » pour éliminer l’ensemble des Juifs d’Europe. Dans ce cadre paisible et reculé du lac de Wannsee, lieu de villégiature prisé des Berlinois, les débats vont se poursuivre deux heures durant, scellant le sort de onze millions d’individus…

Fondé sur le procès-verbal d’Adolf Eichmann présent ce jour-là, La Conférence (Die Wannseekonferenz, en version originale), réalisé par Matti Geschonneck, nous propose une reconstitution à la fois exhaustive et glaçante de cette matinée du 20 janvier 1942.

Ignorant jusqu’à l’arrivée de Heydrich la raison de leur invitation, les hauts dignitaires nazis découvrent, imperturbables, le projet d’holocauste et ses modalités d’exécution. Un programme décidé en haut lieu, rationalisé froidement, chiffré et élaboré dans ses moindres détails, sur lequel, en vérité, il n’est aucunement question de revenir, les « débats » n’ayant pour objectif que d’amender les choses à la marge. Pour autant, si la plupart des bureaucrates autour de la table semblent pris de cours, ceux-là ne feignent pas leur enthousiasme devant les annonces de Heydrich. Les rares à émettre des réserves le font pour des raisons purement financières, par juridisme imbécile ou bien par commisération à l’égard de ces jeunes soldats allemands qui auront à effectuer les basses besognes et risquent d’en sortir traumatisés…

Lorsque les plus zélés de l’assistance en viennent à statuer sur le sort des demi-Juifs et quart-Juifs, dont il faut stopper net la reproduction, le juriste et secrétaire d’État au ministère de l’Intérieur, Wilhelm Stuckart, sans doute pris de scrupules, préconise, en « bon prince », la castration chimique, l’estimant plus humaine (!) que la mort. C’est dire qu’aucune voix réellement dissonante ne s’est fait entendre, ce jour-là, et que rien ni personne n’aurait pu s’opposer à cette tragédie…

En respectant une unité de lieu et de temps comme au théâtre, le film de Geschonneck a cela de fascinant qu’il nous donne l’illusion, à tout moment, d’assister en temps réel à des échanges qui pesèrent sur le cours de l’Histoire. Le cinéaste, compte tenu du sujet, opte judicieusement pour une mise en scène épurée, démontre par là un souci de pudeur et évite soigneusement les pièges de la caricature. Seulement, à limiter le filmage à une succession de champs/contrechamps sur une quinzaine de personnages assis autour d’une table, Matti Geschonneck ne nous aide pas à digérer la teneur et la lourdeur des propos dont nous sommes rendus témoins – mais c’est sans doute à dessein.

3 étoiles sur 5

Pierre Marcellesi
Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

Vos commentaires

13 commentaires

  1. Etonnant ce film a déjà été présenté à la TV allemande depuis quelques années. Il en est de même de nombreux feuilletons relatant aussi les années infernales de la république socialiste dite démocratique et que malheureusement on ne voit surtout pas à la TV française

  2. Pour rebondir sur ce sujet, il faudrait rappeler que deux personnes ont contribué à sauver un maximum de nos compatriotes juifs de l’horreur que leur réservait les tristes sires présents à cette conférence, Pie XII et le Maréchal Pétain. Ce fait doit être mentionné car beaucoup d’entre nous ignorent ceci. Pour Pie XII, l’ONU l’a même officiellement reconnu il y a quelques années.

    • En ce qui concerne le vénérable pape Pie XII ,son action comme celles de nombreux ecclésiastiques,religieux et religieuses,laïcs catholiques ou d’autres confessions chrétiennes en faveur des juifs est indéniable .
      A propos du Maréchal Pétain en personne cela ne me semble pas certain, je respecte cette grande figure patriotique et militaire,cependant l’âge et l’entourage du Maréchal ne lui permettaient certainement pas d’agir librement,que savait-il de la solution finale ? .La France était sous la botte de l’occupant ,d’autre part la marge de manoeuvre du chef de l’Etat était des plus limitées .

  3. Les conférences de l’OMS et du Nouvel Ordre Mondial sont de même nature, si ce n’est de même degré…

  4. Est-ce qu’il y aura un film qui mettra en scène le pacte qui a élaboré la pandémie du Covid 19. Cette solution pré-finale conçue par les Etats Profonds américano anglos sionistes nazis mondialisés pour satisfaire le grand maitre du FEM?.
    Et tant qu’on y ait, après Avatar1 et 2, quels réalisateurs nous montrerons la fin de l’Empire Américain avec leur prochaine guerre civile à l’intérieure, l’écartement de la faille d’Andréas, le réveil des volcans du Yellow Stone, la disparition du continent nord américain, le tout en même temps que la nucléation de toute l’Europe occidentale grâce aux bombes atomiques américaines stockées en Allemagne, Italie, Kosovo, Pologne et autre Roumanie.
    Ceci, avant que les prophéties Mariales ne s’abattent sur la Terre entière et que seul 0,6 pour cent de l’humanité ne soit sauvée.

  5. Excellent film, les acteurs sont parfaits, leur diction impeccable (je parle allemand) et tant les phrases que le vocabulaire employés révèlent le formatage profond des consciences effectué par les nazis. Friedrich Nietzsche nous avait avertis au XIXe siècle qu’adviendrait « la culbute de la valorisation de toutes les valeurs ». Grâce à ce film, nous découvrons à quel point la rationalité a pu être mise au service de l’irrationalité. D’autres dictatures ont su et sauront encore pratiquer le crime froid ; ce film devrait contribuer à nous mettre en garde car, comme l’a écrit B. Brecht, « le ventre de la bête immonde est toujours fécond ».

  6. cette horreur va-t-elle se perpétuer en Arménie ? pour du gaz la France va-t-elle fermer les yeux, on entend pas beaucoup aux infos du drame qui se joue en Arménie !

  7. On avait déjà fait un excellent film en 1984 ; La Conférence de Wannsee est un téléfilm austro-allemand de Heinz Schirk, diffusé en 1984. Il dépeint sous la forme d’un docu-fiction la conférence de Wannsee : Dietrich Mattausch y tient le rôle principal de Reinhard Heydrich. Wikipédia….

    • Je me souviens également de cet excellent téléfilm. Je ne vois pas ce que ce film peut apporter de plus.

  8. La croix gammée et le turban – La tentation nazie du Grand mufti
    documentaire diffusé sur Arte le 09 12 2009

    Retour sur la figure controversée de l’ancien grand mufti de Jérusalem,
    qui collabora avec les nazis et fut l’un des grands défenseurs de la cause
    panarabe.

    Affichant une sympathie évidente pour les thèses nazies dès 1937,
    il s’installe à Berlin, fréquente les dignitaires du IIIe Reich et s’intéresse
    à la solution finale. Il est également à l’origine de la création d’un
    corps d’élite musulman destiné à combattre les Alliés, incorporé à la
    Waffen SS et composé de 12 000 hommes recrutés en Bosnie et en
    Croatie.

    À partir de biographies récentes, ce documentaire revient sur la collaboration
    du grand mufti avec les nazis mais aussi, plus largement, sur son rôle historique
    et politique, expliquant pourquoi il reste encore aujourd’hui un héros et un
    grand leader nationaliste dans la plupart des pays du Proche-Orient.-*

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