Cinéma : La Belle et la Bête, de Bill Condon
Ces dernières années, les studios Disney se sont lancés dans la réadaptation en prises de vues réelles de leurs classiques. On a ainsi pu évoquer, sur Boulevard Voltaire, le travail désastreux effectué sur Maléfique et, plus récemment, sur Le Livre de la jungle.
Avec La Belle et la Bête, de Bill Condon, Disney réitère sa méthode qui consiste à partir du dessin animé plutôt que du matériau d’origine ; en l’occurrence, de la version du conte écrite par Jeanne-Marie Leprince de Beaumont en 1757. Il s’agit, en somme, pour Disney, de s’accaparer indirectement le conte original en fétichisant sa première adaptation en dessin animé…
Le scénario est donc rigoureusement fidèle à celui-ci : à savoir l’histoire d’une jeune femme condamnée à vivre dans le domaine d’une créature hideuse et rustre qu’elle apprendra à accepter, puis à chérir.
Avec un budget colossal de 160 millions de dollars, Disney ne nous épargne ni le faste ni la pompe de choix esthétiques toujours plus douteux. En témoignent les chansons niaiseuses, les couleurs sucrées, les plans délirants d’une campagne française grossièrement réinventée au matte painting ou même la confusion historique permanente entre un univers villageois typé XVIIe siècle et un univers aristocratique prérévolutionnaire – frivole et vulgaire – qui renvoie au XVIIIe… On l’a bien compris, le souci pédagogique en matière d’histoire n’est pas la préoccupation des studios Disney. Du moins, pas dans ce domaine précis car l’on constate, non sans agacement, que les petits discours insidieux et politiques, dont ils avaient daigné nous épargner dans Le Livre de la jungle, sont de retour, renouant alors avec l’esprit très idéologisé de Maléfique.
De ce fait, si les aristos sont présentés avec manichéisme comme des salauds méprisants le bas peuple – conformément, d’ailleurs, à ce qui nous est raconté dans le conte –, on apprend avec surprise qu’un bon cinquième des Français, sous l’Ancien Régime, étaient issus de l’immigration subsaharienne (!). Certes, nous savions déjà, grâce à la bande à Harlem Désir et Julien Dray, que nous étions "tous des enfants d’immigrés", mais le chausse-pied multiculturel n’est pas loin, dans le cas présent, de nous faire saigner les talons. À moins, bien sûr, d’avoir entre 5 et 12 ans et d’être prêt à gober innocemment n’importe quel discours. De là à dire qu’il s’agit précisément de l’objectif poursuivi par Disney, il n’y a qu’un pas que notre opposition farouche à toute forme de complotisme ne peut accepter… Ou bien s’agit-il tout simplement des joies de la politique des quotas au cinéma. C’est qu’on ne voudrait vexer personne.
Quant à la polémique autour du premier personnage "gay" de Disney – "un pas en avant formidable", selon la présidente du GLAAD –, celle-ci n’a pas lieu d’animer tant de passions (notamment sur Boulevard Voltaire), les choses restant suffisamment cryptées pour les plus jeunes. Cependant, la démarche est transparente et, en ce sens, nous navre davantage qu’elle ne nous offusque.
Reste qu’un tel souci de modernisation, autant sur la question multiculturelle que sur celle de l’homosexualité, n’est pas sans entrer en contradiction avec le caractère intemporel dont se réclament habituellement les contes. Surtout si ces aménagements éclipsent la signification originelle de ceux-ci – faut-il rappeler que La Belle et la Bête est, avant tout, une parabole sur les mariages arrangés et sur la nécessité, pour les jeunes femmes, de percevoir en leurs vieux maris les pourvoyeurs attentionnés de leurs besoins ? Un type de message, évidemment, qui n’a plus aucune raison d’être aujourd’hui.
Un film dispensable auquel on préférera la version plus poétique de Jean Cocteau.
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