[L’ÉTÉ BV] [CINÉMA] Anatomie d’une chute… et d’une Palme d’or

Anatomie d'une chute
Cet article vous avait peut-être échappé. Nous vous proposons de le lire ou de le relire.
Cet article a été publié le 01/09/2023.

À l'occasion de l'été, BV vous propose de redécouvrir des films mis en avant lors de leur sortie au cinéma. La série commence avec Anatomie d'une chute de Justine Triet, dernière palme d'or à Cannes.

Récompensé d’une Palme d’or au dernier Festival de Cannes, Anatomie d’une chute est sorti en salles la semaine dernière. Nous pouvons donc analyser sur pièce le nouveau film de Justine Triet et tenter d’en expliquer le succès critique. Cela, en laissant de côté cette polémique ridicule lancée par la cinéaste autour de la supposée « marchandisation de la culture, qui est en train de casser l’exception culturelle française ». Exception qui, n’en déplaise à Justine Triet, a tout d’une « préférence nationale » et qui permet bien souvent aux producteurs de se soustraire aux lois de l’offre et de la demande par le financement de films ouvertement militants et, par conséquent, non rentables…

Anatomie d’une chute, comme nous allons le voir, s’inscrit en partie dans cette catégorie. Car il ne fait aucun doute que sans sa Palme d’or, le film aurait connu une sortie confidentielle.

Le récit se propose de faire « l’anatomie » d’un couple, ou plutôt son autopsie, suite au décès du père de famille, tombé mystérieusement du balcon. Meurtre, suicide, accident ? L’enquête reste ouverte. Avec, pour seul soutien, un ami avocat, avec qui elle semble avoir vécu autrefois une aventure, Sandra, la mère, cherche à prouver sa non-implication dans le décès de Samuel. Une entreprise difficile dans la mesure où celle-ci était présente au chalet au moment du drame et où le couple, rongé par le ressentiment, battait de l’aile depuis un moment. Ressentiment que l’avocat général ne manquera pas d’analyser sous tous les angles au moment du procès. Car Anatomie d’une chute est un film policier, certes, mais également un film de procès qui fait déballage de tous les dysfonctionnements de la relation qui unit les parents. Daniel, leur fils de onze ans, partiellement aveugle depuis l’accident dont il a été victime quelques années auparavant, pourrait bien détenir la clé du mystère qui entoure la mort de Samuel. On a coutume de dire, un peu facilement, que les enfants ressentent ce qui cloche entre leurs parents ; ici, il n’en est rien. C’est le déroulé du procès qui fera prendre conscience à Daniel (Milo Machado Graner, impressionnant) de tout ce qui n’allait pas et, d’une certaine façon, lui rendra la vue. Grâce à lui, et en dépit de son handicap, la résolution de l’affaire sera rendue possible. Une idée scénaristique absolument brillante.

Maîtrisé de bout en bout, le film de Justine Triet fait montre d’un talent d’écriture et de mise en scène peu commun. La réalisatrice dirige à merveille ses acteurs, soigne ses dialogues, ménage ses silences dans les moments clés et utilise avec précaution et parcimonie le flash-back, procédé employé trop fréquemment dans la fiction et dont elle se méfie à juste titre.

La Palme d’or, hélas, ne s’explique pas tant par les qualités évidentes évoquées précédemment que par les biais idéologiques du scénario. C’est bien simple : tous les hommes, dans cette histoire, en prennent pour leur grade, excepté l’enfant, bien sûr, qui pourtant deviendra un jour adulte… Le père de famille est un égocentrique intégral qui ramène tout à lui et impose ses desiderata au foyer ; l’avocat général se montre arrogant et hystérique à chaque occasion ; le psychanalyste appelé à la barre n’a aucun discernement et se range aveuglément du côté de la victime (son ancien patient) ; l’expert sonore est un parfait imbécile ; et celui en morphoanalyse de traces de sang n’a pas la compétence de son homologue féminine engagée par la défense. Enfin, l’avocat de Sandra, incarné par l’excellent Swann Arlaud, dissimule bien mal ses intentions à l’égard de sa cliente…

Bref, le dogmatisme idéologique de la cinéaste qui vise d’emblée à nous ranger du côté de la femme – absence de neutralité qui est d’ailleurs contraire au genre – a de quoi agacer. On comprend mieux, en effet, la récompense cannoise…

Dommage, tout le reste était parfait.

3 étoiles sur 5

https://youtu.be/4vomBbFSs8g

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 22/07/2024 à 12:20.
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Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

Vos commentaires

7 commentaires

  1. J’ai beaucoup aimé le film, mais maintenant que vous soulignez ce parti pris anti masculin, on ne peut pas le nier.
    Ce que j’ai trouvé irritant c’est la concession aux modes du moment : Sandra est bisexuelle, ce qui ne fait pas avancer le débat et gros plans appuyés sur la diversité dans la salle d’audience.
    Irritant également, cette mode fatigante pour les yeux de filmer quasi systématiquement en gros plans

  2. Il serait intéressant pour les béotiens que nous sommes qu’uN vrai documentaire soit réalisé sur le parcours et les compromissions nécessaires et préalables à la réalisation d’un film que peu iront payer pour voir.

  3. Même hors de l’Élysée en 2027, son pouvoir de nuisance nous poursuivra, du haut d’autres instances. À moins que nous rebattions complètement les cartes.

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