« Avec ces manifestations, le virus peut compter ses troupes », a tonné Gabriel Attal, dans son interview donnée, dimanche, au Parisien. Jugés comme les grands responsables de la énième flambée épidémique, les manifestants qui ont défilé, samedi, dans les rues de la capitale et en province pour crier leur colère contre l’instauration du passe sanitaire n’ont ni été entendus ni même vus. Les comparaisons honteuses avec la Shoah ont été fortement utiles pour jeter encore plus le discrédit sur ce mouvement jugé, avec mépris, comme minoritaire, oubliant que c’est toujours une minorité agissante qui fait la révolution.

Il a suffi que quelques imbéciles arborent l’étoile jaune, détournent des slogans nazis ou encore caricaturent les portraits de médecin médiatique ou encore celui du chef de l’État pour que toute la sphère politico-médiatique condamne quasi unanimement les 120.000 Français qui sont allés manifester.

Ces Gaulois réfractaires ont été mis tous dans le même sac sans distinction entre les opposants au vaccin et ceux qui se révoltent contre l’imposition d’un passe sanitaire considéré comme liberticide et discriminatoire. Depuis ce week-end, aucune place n’est faite pour la nuance et l’analyse. C’est l’indignation à tous les étages. Un rapport des services de renseignement territoriaux, publié ce lundi 19 juillet, alerte même sur la menace de radicalisation des manifestants anti-vaccins et anti-passe sanitaire. « Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage » : cette maxime populaire tourne, en ce moment, à plein régime. Pratique pour discréditer les revendications et ne pas entendre les arguments qui les fondent.

Pourtant, les faits sont têtus. Si le projet de loi du gouvernement sur l’extension du passe sanitaire est définitivement validé par le Parlement et le Conseil constitutionnel, les 31 millions de Français non vaccinés seront donc, de fait, des citoyens de seconde zone, ostracisés d’une partie de l’espace public dont l’accès sera différencié selon les données de santé. La liberté d’aller et venir leur sera enlevée comme la liberté d’avoir accès à la culture et aux loisirs.

C’est, d’ailleurs, ce beau et noble mot de « liberté », valeur fondamentale de notre démocratie républicaine, qui a été le plus scandé par les manifestants.

La liberté de choisir de ne pas se faire vacciner. La liberté de refuser de présenter un QR code pour accéder aux lieux de la vie quotidienne. La liberté de ne pas surveiller son prochain. La liberté de ne pas faire vacciner leurs enfants. La liberté de douter, de s’interroger, de questionner. Dans le pays de Descartes, c’est quand même assez naturel, mais pas pour nos élites condescendantes qui voient dans celui qui doute un dangereux complotiste à tendance fasciste.

Contrairement aux fraîchement convertis qui se font vacciner dans l’urgence moins par solidarité que par désir de continuer à consommer, les manifestants de samedi n’acceptent pas une vaccination subie mais une vaccination choisie en toute liberté de conscience. Mais, surtout, ils sont prêts à renoncer à aller au restaurant, au café, au musée, au théâtre, au cinéma, dans les parcs de loisirs plutôt que de présenter ce qui s’apparente à un passeport sanitaire, érigé en sésame du droit à continuer à vivre librement.

Les dérives malheureuses de certains manifestants ont non seulement perturbé le débat mais surtout occulté la radiographie sociologique de ce mouvement, pourtant très hétéroclite. Car c’est la France dans toute son hétérogénéité qui était de sortie. Celle qui « fume des clopes et qui roule en diesel », qui vit en zone périurbaine et dont les voitures diesel et essence seront, d’ici 2030, bannies des grands centres urbains en raison du déploiement des ZEF (zones à faible émission), bref, la France des gilets jaunes. Mais il y avait aussi la France de la diversité, comme on aime à dire, avec des jeunes issus de l’immigration, des femmes voilées de confession musulmane, la France des quartiers, une France black blanc beur qui, à défaut de vivre ensemble, ont marché côte à côte dans les rues de Paris, d’Avignon, de Besançon, de Bordeaux pour protester ensemble contre les diktats sanitaires.

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22 juillet 2021 à 16:09

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