Budget sécurité 2019 : où est l’embrouille ?

Policiers et gendarmes ont-ils enfin des raisons de se réjouir ? En effet, si l'on en croit l'adoption par les députés, en première lecture, de la mission sécurité du projet de loi de finances pour 2019, les forces de l'ordre devraient voir leur budget augmenté (+ 335 millions d'euros), leurs effectifs renforcés (+ 2.500 postes, dont 1.735 pour la police nationale et 634 pour la gendarmerie) et certaines de leurs charges indues transférées vers les municipalités. Bref, Noël avant l'heure.

Pourtant, il convient d'être extrêmement prudent. D'abord, parce qu'il faut que cette loi de finances passe les différentes strates législatives et administratives avant d'être définitivement adoptée. Et l'on sait que les coulisses de la politique, surtout lorsqu'il s'agit d'argent, sont pour le moins opaques et donnent lieu, parfois, à des revirements spectaculaires. Les militaires viennent, d'ailleurs, de s'en apercevoir à leurs dépens.
C'est ainsi qu'à l'occasion de l'adoption en catimini du projet de loi de finances rectificatif, le député LR François Cornut-Gentille, dans un coup de gueule qui risque malheureusement de rester assez confidentiel, vient de dénoncer une manipulation gouvernementale qui va priver les militaires de 800 millions d'euros sur un budget déjà très contraint. Pourtant, le budget des armées, tout comme celui de la sécurité, ne devait-il pas être une priorité absolue pour le gouvernement Macron ?

En réalité, il s'agit d'un tour de passe-passe qui consiste à faire peser sur le seul budget des militaires l'ensemble du coup des opérations extérieures (OPEX) et des missions intérieures (MISINT) ; soit un peu plus d'un milliard d'euros chaque année. Celui-ci, jusque-là, était assuré par une provision du budget de la Défense - à hauteur de 450 millions environ -, complété en fin d'année par "la solidarité ministérielle". Pour faire face à ces nouvelles charges, l'armée devra donc renoncer à divers investissements, dont 319,2 millions d'euros prévus pour l'équipement des forces. Nos soldats n'ont donc pas fini de mettre leurs vies en danger à cause d'équipements vétustes, inadaptés ou, tout simplement, n'existant que sur le papier.

Ensuite, parce que l'inflation et les rabotages budgétaires qui sont opérés chaque année ne manquent pas de faire fondre considérablement les enveloppes soi-disant octroyées. Les différents services de l'administration, en particulier la police et la gendarmerie, voient ainsi leurs budgets de fonctionnement remis systématiquement en cause au fil des mois, pour finir l'année avec des "gels" financiers, qui repoussent aux calendes grecques des dépenses normalement obligatoires.

Cette politique de dupes à l'adresse des Français est devenue un exercice de routine pour nos gouvernants. Elle consiste, par des effets d'annonce solennels, à faire croire que les priorités annoncées seront respectées, mais à tout faire ensuite pour s'en exonérer. À ce petit jeu-là, il est donc normal que nos forces de sécurité intérieure et nos armées se soient peu à peu paupérisées, jusqu'à manquer de l'essentiel pour pouvoir fonctionner dans des conditions acceptables.

Cette réalité révélée en son temps par le général de Villiers lui avait coûté son poste de chef d’état-major des armées. Il fut, en effet, un des rares très hauts responsables militaires a oser dire la vérité et à ne pas vouloir assumer cette lourde responsabilité qui consiste à envoyer au combat des soldats volontairement mis en situation de vulnérabilité. Mais son départ n'a rien changé. Policiers et gendarmes, ne vous réjouissez donc pas trop vite.

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Olivier Damien
Conseiller régional de Bourgogne-Franche-Comté, Commissaire divisionnaire honoraire

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