Le contraste est saisissant entre l'image que nos médias donnaient de l'Amérique de Trump, depuis son élection, et la manière dont les Américains ont voté hier. Notre presse a, comme d'habitude, rapporté fidèlement les campagnes menées par les démocrates contre le président des États-Unis, et relayé l'état d'esprit des milieux "progressistes" des côtes nord-est et ouest.

À les entendre, les manifestations incessantes contre lui, les doutes sur ses capacités intellectuelles, les réactions à ses positions sur les armes ou sur les minorités, sa collusion supposée avec la Russie qui aurait favorisé sa victoire, allaient déclencher un raz de marée démocrate au Congrès, faire de lui ce que les Américains appellent un "canard boiteux", un président prisonnier d'une majorité parlementaire hostile capable d'aller, à travers une multiplication d'enquêtes, jusqu'à sa destitution. Il n'en est rien. Donald Trump s'est impliqué à fond dans la campagne et a transformé celle-ci en un référendum pour ou contre lui. Certes, les républicains ont perdu à la Chambre des représentants la majorité qu'ils avaient conquise en 2010, lors des premières élections de mi-mandat de Barack Obama, mais ils progressent au Sénat.

Contre qui a-t-il gagné ? Mais contre la presse, justement, quasi unanimement mobilisée contre lui avec une virulence inhabituelle, depuis le début de son mandat. Contre ce que cette presse représente sociologiquement de façon très majoritaire, les "libéraux", au sens américain du terme, c'est-à-dire la gauche du politiquement correct qui règne sur les milieux intellectuels et sur le monde du spectacle sur les deux rives des USA. Le président élu en 2016 est, pour ces gens, un repoussoir qu'ils détestent et méprisent au point d'ignorer la cohérence de sa stratégie sous les coups apparemment désordonnés de sa politique et sous la pluie de ses tweets jugés par eux infantiles ou caractériels. Il est toujours dangereux de sous-estimer un adversaire : sous des dehors faciles à caricaturer, c'est une force peu commune qui l'habite, tellement absente aujourd'hui chez tant d'élus de nos vieilles démocraties toujours enclins à jongler avec des idées contradictoires pour tenter de rester au centre. Beaucoup n'ont pas encore compris qu'une grande partie du peuple ne supporte plus leurs palinodies, leurs valses-hésitations et leurs contorsions.

Trump, qui est un homme d'affaires plus qu'un politique, a vu, peut-être avec cynisme, mais peut-être aussi parce que cela correspond chez lui à des convictions sincères, l'occasion à saisir sur le marché politique : le peuple, celui qui est délaissé, voire écrasé, par la mondialisation, qui est volontiers patriote et conservateur, parce qu'il correspond au noyau solide de l'Amérique profonde. Loin de vouloir, comme tant d'hommes politiques, comme Sarkozy après 2007, séduire ceux qui n'avaient pas voté pour lui, il a d'abord cherché à fidéliser sa "clientèle". Il y est parvenu, y compris - ce qui était loin d'être gagné - en faisant adhérer le parti républicain à sa personne. Il pense à l'élection de 2020. Il va donc continuer à fustiger la presse de gauche, lutter contre l'immigration illégale, nommer des conservateurs partout où il le pourra, défendre une réaction musclée et armée contre le crime, privilégier l'emploi américain plutôt que l'environnement et le libre-échange. L'exceptionnelle prospérité économique des États-Unis atteinte aujourd'hui avait, certes, commencé sous Obama. Il pourra dire que c'était grâce à la Chambre républicaine depuis 2010, et au Sénat républicain depuis 2014. Si les résultats déclinent, il pourra désormais accuser la majorité démocrate des représentants de bloquer ses réformes.

Donald Trump est donc clairement un populiste. Au-delà de son succès relatif d'hier, il fait percevoir l'enjeu considérable auquel sont confrontées nos vieilles démocraties occidentales, aux Etats-Unis comme en Europe.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 16:52.

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08 novembre 2018 à 18:00

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