Brexit : que cherche la Grande-Bretagne ?

Boris Johnson

Récemment, plus de 100 députés britanniques ont demandé que Boris Johnson rappelle le Parlement afin que celui-ci travaille en continu jusqu’au 31 octobre, date à laquelle la Grande-Bretagne doit, théoriquement, quitter l’Union européenne. La proposition provient de députés de l’opposition, et elle est évidemment « inamicale ». Elle a pour but, en « surfant » sur la peur d’une crise économique majeure en cas de sortie sans accord, de mettre la pression sur le nouveau Premier ministre, avec l’objectif d’organiser un vote de défiance contre lui, de le faire tomber et d’organiser des élections anticipées pouvant conduire à un gouvernement travailliste hostile au Brexit. En effet, la majorité sur laquelle s’appuie Boris Johnson est très faible : une voix seulement.

Il n’y a, évidemment, aucune chance pour que Boris Johnson tombe dans ce piège grossier, qui n’est qu’une péripétie de plus de la « guéguerre » que se livrent travaillistes et conservateurs, et conservateurs entre eux. Ce qui est grave, par contre, c’est ce qu’elle traduit du désarroi et même de la déliquescence du système politique anglais. En effet, 48 %, soit près de la moitié des Britanniques, sont prêts à une sortie sans accord plutôt que de voir arriver un gouvernement travailliste. L’opinion est donc solide par rapport à ce qu’elle veut.

Il est grave que les députés qui ont tenté cette démarche caressent encore l’espoir qu’ils peuvent convaincre les électeurs. Ils savent pourtant parfaitement que si, d’aventure, ils parvenaient à leurs fins, le pays tout entier basculerait dans une crise politique majeure, où ils auraient toutes les chances d’être emportés. Le système anglais est incapable, aujourd’hui, de se mettre globalement d’accord autour de ce que veut l’opinion, pour organiser la sortie la meilleure, ou la moins mauvaise possible. Paradoxalement, la position de fermeté du Premier ministre risque d’être renforcée par cette démonstration d’irresponsabilité de ses opposants.

Il est vrai que, pour le moment, les « choses sérieuses » n’ont pas commencé puisque la motion de censure sera, de toute façon, déposée en septembre, lorsque le Parlement recommencera à siéger. Mais, à ce moment-là, plus près de la date fatidique, les choses seront plus tendues, ce qui permettra à Boris Johnson de mettre chacun devant ses responsabilités. De ce côté-ci de la Manche, tous attendent de connaître le résultat de ce vote, pour savoir si BoJo sera ou non l’interlocuteur de l’automne. Pourquoi gaspiller ses cartouches avant l’heure ? Angela Merkel ou Emmanuel Macron, dans leurs déclarations d’aujourd’hui, ne font que de la figuration.

Par ailleurs, comme le rappelle Jeremy Stubbs, le président du Parti conservateur britannique à Paris, selon Le Figaro du 26 août, la vraie négociation, le moment venu, portera sur le statut de la frontière irlandaise. Il pense qu’en finale, l’Union européenne ne pourra jamais renoncer au principe du marché ouvert, mais pas non plus s’offrir le risque d’une nouvelle crise anglaise, avec Nigel Farage en embuscade et la victoire d’une droite conservatrice encore plus dure. De toute façon, il faudra à l’automne trouver un accord, et l’Union européenne devra assouplir un peu sa position. Paradoxalement, la situation n’est donc pas aussi mauvaise qu’il n’y paraît pour le chevelu Premier ministre.

Pour le moment, BoJo joue avec l’opposition travailliste un épisode de Fast and Furious, où les deux voitures foncent l’une contre l’autre, et où c’est le pilote aux nerfs les plus solides qui l’emporte. Ce qu’il se prépare à faire, c’est ce qu’il fera aussi avec l’Europe, s’il passe le premier round.

Kissinger disait que la qualité des grands négociateurs se mesurait à leur capacité à se mettre eux-mêmes au bord du précipice, et à faire ainsi de leur précarité une force, en montrant à leurs interlocuteurs qu’ils ne pouvaient pas reculer. Il disait même que, de tous ceux-là, Hafez el-Assad, le père de Bachar, était le plus grand parce qu’il était le seul capable de sauter carrément dans le vide pour que l’on soit obligé de le rattraper et d’accepter ses solutions. Nous saurons bientôt si le fantasque Britannique est de cette eau-là.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 20:08.
François Martin
François Martin
Consultant et conseiller municipal - Membre du fonds de recherche Amitié Politique

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