Boulevard Macron, voyage au bout de l’enfer

gilets jaunes

Décidément, plus rien n'est épargné au peuple de France depuis l'élection d'Emmanuel Macron à la présidence de la République. Sa dernière sortie en date a de quoi donner des frissons aux patriotes, quand bien même les moins virulents d'entre eux : « Je suis très lucide sur les défis que j’ai devant moi d’un point de vue mémoriel, et qui sont politiques. La guerre d’Algérie est sans doute le plus dramatique. Je le sais depuis ma campagne. Il est là, et je pense qu’il a à peu près le même statut que la Shoah pour Chirac en 1995 », a-t-il affirmé, dans l'avion le ramenant d'Israël en France, en présence de trois journalistes du Monde, du Figaro et de Radio J, d’après Le Parisien du 25 janvier dernier.

En effet, tout est permis en matière de course à l'échalote mémorielle, depuis cette année 95, avec la reconnaissance de la responsabilité de la France dans la rafle du Vél' d'Hiv'. Et, n'étant plus à une pitrerie près, « Jupiter » ne s'est pas ménagé, lors de sa visite officielle à Jérusalem, pour singer le Jacques Chirac de 96 s'insurgeant contre les agents de sécurité israéliens qui l'empêchaient de saluer chaleureusement les marchands arabes de la vieille ville : à l'entrée de l'église Sainte-Anne (domaine national depuis 1856), le jeune chef d'État s’est mis subitement à apostropher le service d'ordre dans un franglais qui ne lui ressemble guère. Provocation contre provocation dans une guerre d'images où il s'agit toujours de caresser le monde arabe dans le sens du poil.

Dans une maîtrise sans faille de l'art de la fracture, Macron use et abuse mi-habilement des oppositions initiales entre différents groupes sociaux de l’Hexagone : public contre privé, fonctionnaires contre cadres, manifestants contre commerçants, mais aussi sous-prolétariat contre haute société. Comme s’il prenait un malin plaisir à mettre de l'huile sophistique sur le feu sociologique. Pire encore serait, donc, d'en faire de même entre les Juifs et les musulmans. Parce qu'à l'évidence, la droite libérale ne reculera devant aucune compromission pour engranger de nouvelles parts de marché électorales. Au final, ce charivari idéologique a de quoi faire frémir : dire tout et son contraire, tout en faisant croire qu'on est du « nouveau monde », quand on est pourtant énarque et inspecteur des finances. Grandeur et décadence de son inaltérable « en même temps ». Ou bien une infantilisation à outrance des électorats qui vire déjà à la tragi-comédie.

Par ailleurs, l'ancien locataire de Bercy sous la présidence de François Hollande se voit offrir un indéfini boulevard : aucune figure de proue crédible dans l’opposition, sans compter les petits fonctionnaires qui finiront toujours par revoter pour lui. Alors, son hybris – « la démesure », en grec – ne peut que s'exprimer sans fard, et ce, comme le dénonçait Gérard Collomb lorsqu’il pensait démissionner de la tête du ministère de l'Intérieur en septembre 2018. Puis à l’instar de son ultime conviction confiée « en off » : « Peut-être que j’arrive trop tard dans un monde trop vieux, que la casse est déjà importante, mais je ne vais pas payer pour mes prédécesseurs », selon ce que rapporte l'éditorialiste Ivan Rioufol, dans Le FigaroVox du 24 janvier. Un narcissisme qui s'affiche sans vergogne. Se pense-t-il à ce point indestructible, tel le phénix ?

En attendant, pour les amoureux de la nation, l'enfer, c'est lui, et non plus seulement les autres. Ainsi va la vie auprès du Joker de la République.

Henri Feng
Henri Feng
Docteur en histoire de la philosophie

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