[Au tribunal ] Comparution immédiate et routine judiciaire (quelques pochons de cannabis pour sa conso)

justice

Il est 19 h 00, le mercredi 1er mars, quand les policiers interpellent un jeune homme de 19 ans, à la gare du Mée-sur-Seine (77). Ils trouvent sur lui du cannabis conditionné en 9 pochons et environ 200 euros en billets de 10 et 20 euros. L’interpellé avait tenté de dissimuler les stupéfiants dans son dos.

Placé en garde à vue et interrogé, il sera déféré devant le procureur de la République qui décidera de le renvoyer à une audience dite de comparution immédiate.

C’est vendredi, il est 14 h 00, la salle d’audience est vide. L’homme comparaît dans le box derrière des vitres de Plexiglas™ accompagné d’une escorte composée de deux policiers. Son regard est vide et croise celui de son avocat, qui est de permanence, ce jour-là. Le tribunal est composé de trois juges. Le président décline l’identité du prévenu et lui rappelle les infractions qui lui sont reprochées. Seulement deux, en réalité. La détention et l’usage de stupéfiants. Pour rappel, le trafic de stupéfiants est caractérisé par plusieurs faits distincts : le transport, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition ou l'emploi illicites de stupéfiants.

Dans cette affaire, semblable à mille autres, le procureur a décidé de ne retenir que la détention. Mais, au fond, tout le monde sait bien que ce jeune homme traficotait à la petite semaine.

L’homme de 19 ans semble en avoir 13. Il s’exprime avec tant de difficultés. Les mots ne viennent pas. Le vocabulaire manque. Une scène trop réaliste s’ensuit.

Le président demande :
« Monsieur, que faisiez-vous avec cette somme dans votre poche en coupure de 10 et 20 euros ? »
Le prévenu :
« C’est ma mère. C’est l’argent de poche. »

Le président :
« Oui, Monsieur, c’est ce que vous aviez dit en garde à vue. Mais votre mère a été entendue par la police. Et elle a dit qu’elle ne vous avait jamais donné cette somme. Que c’était, d’ailleurs, très rare qu’elle vous donne de l’argent de poche. Que dites-vous de ça ? »
« Quoi ? » baragouine-t-il.
« Votre mère a dit qu’elle ne vous avait pas donné cet argent. Qu’est-ce que vous en dites ? »
« Ouais, c’est ça. » Personne n’entend rien. Le micro ne porte pas. Le prévenu n’articule pas.
« C’est ça quoi ? »
« C’est ça, ouais, de l’argent de poche. »
« Vous maintenez donc ? »
« Ouais. »

L’audience se poursuit. Quand le procureur demande pourquoi le cannabis est conditionné dans des pochons, le jeune homme répond que c’est pour sa consommation perso. « Vous conditionnez donc pour votre consommation personnelle ? » « J’ai acheté comme ça », répond-il.

Il faut avancer. Il y a lieu d’évoquer sa personnalité et notamment son casier. Une mesure éducative ordonnée par le tribunal pour enfants, 140 heures de travaux d’intérêt général prononcées en septembre 2022 (non encore effectuées) pour des faits de détention de stupéfiants, deux mois d’emprisonnement avec sursis probatoire, en novembre 2022, pour des faits de détention de stupéfiants et de rébellion.

Quand on lui demande « Monsieur, aviez-vous compris les peines auxquelles vous avez déjà été condamné ? », réponse brève et qui résume tout : « Ouais, j’ai rien eu. ».
Les magistrats ne peuvent s’empêcher de rire.

19 ans seulement, peu qualifié, sans vocabulaire, il dit qu’il va arrêter tout ça. On lui demande pour quoi faire. Il répond « préparateur de commandes ». Mais il n’est pas encore allé voir la société d’intérim.

Le tribunal le déclare coupable des faits reprochés et le condamne, en répression, à une peine de six mois d’emprisonnement délictuelle, aménagée ab initio par un bracelet électronique à domicile. Il sort libre et sera convoqué plus tard pour la mise en place du système électronique chez sa mère. Cela suffira-t-il pour qu’on ne le croise plus à la gare du Mée-sur-Seine avec ses pochons de cannabis ?...

Me Alain Belot
Me Alain Belot
Avocat au barreau de Paris, chroniqueur à BV

Vos commentaires

9 commentaires

  1. Au Larzac, dans des tentes, été comme hiver.
    Pas une douche, mais comme moi dans ma jeunesse, une bassine avec de l’eau froide.
    Une tasse de chicorée (Leroux ) un morceau de pain avec de la margarine (Solo) et ensuite une promenade, avec le matos dans le dos ( on remplace bien sûr le matos par 25 kg. de cailloux) un p’tit 20 bornes pour commencer.
    Rebelote après le repas de midi, un repas frugal le soir, et hop, au dodo.
    Pas de portable, pas de télé, pas de consoles, mais des livres d’images pour les analphabètes et avec des » lettres  » pour les moins cons.
    Un calebard , des bas et une chemise propre le dimanche matin !!!

  2. Je crois que pour lui comme pour beaucoup de ses coreligionnaires des explications très viriles dans un centre de reformatage seraient plus appropriées à son niveau de compréhension. Là, il a eu droit à un satisfecit de la part de ceux que seuls les citoyens honnêtes craignent.

  3. Le plus grave est qu’au sortir de sa scolarité laïque, gratuite et obligatoire, le jeune homme est incapable d’articuler une phrase à peu près cohérente. Il n’a plus que ses poings pour se faire comprendre…

  4. Pour continuer dans la volée d’échanges plus que surréalistes de ce Palais de Justice, et histoire d’enfoncer le clou : « L’interpellé avait tenté de dissimuler les stupéfiants dans son dos. »…
    « Oui, mais à quelle hauteur ? »
    « Quelle hauteur de quoi ? »
    « Ben du dos pardi ! »
    C’est du vaudeville juridique version Taubira jusqu’au spécialiste du bras d’honneur !
    On s’enfonce ma bonne Dame, in s’enfonce…

  5. Simple pourquoi tant de paperasserie pour un tel,résultat. Un tribunal militaire composé de trois officiers, la sentence immédiate. Un mois pendant lequel levé 5h douche froide pour se réveiller. Marche 30 kms retour. Déjeuner, puis on recommence, que 20 kms. En cas de rébellion une bastonnade et couché dans une pièce a même le sol. Le lendemain on recommence, 30 jours de pénitence formule : marche ou crève. A la fin du stage si il y a récidive c’est six mois. Même
    Punition. cela calmera les plus réticents.

  6. Cela devient suspect cette mansuétude avec les trafiquants de drogue. Au fait, où passent les 4 milliards générés par ce trafic ?

  7. A la question : « qui est le plus neuneu des deux ? Le juge qui a fait son droit, ou la racaille au QI de puceron avec ses quatre mots de vocabulaire ? » Que faut-il répondre ? Le juge, bien sûr ! La racaille a parfaitement compris qu’il n’aura jamais aucune peine (d’ailleurs il ne se gêne pas pour le clamer devant les magistrats pendant son procès) et qu’il pourra récidiver ad libitum. Que la même scène se répétera encore et encore au tribunal, avec des magistrats différents. Le juge, qui n’a rien compris, ou fait semblant de ne pas avoir compris, continue à prononcer des peines inutiles, qui ne seront de toute façon pas exécutées. Pourquoi tout ce cirque ? Pour dilapider l’argent des contribuables ? On pourrait mieux l’employer ailleurs, non ?

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