C’est toujours la même chanson : dès qu’on en pince un – délinquant « bien connu des services de police » ou terroriste en herbe –, il y a tout le voisinage et la famille pour expliquer que « non, vraiment, c’était un p’tit gars bien ». Propre sur lui. On n’aurait jamais pensé ça. S’essuyait proprement les pieds sur le paillasson. Disait bonjour à la voisine. Portait le sac de la grand-mère.

Mohamed Hichem M., le présumé terroriste qui a déposé son petit paquet piégé devant la boulangerie de la rue Victor-Hugo, vendredi dernier à Lyon, était le gendre dont on rêve tous. Un très gentil garçon, « apprécié par ses voisins », dit Le Dauphiné, qui est allé les interroger : « C’était un jeune poli, vraiment bien. À chaque fois que je le voyais, il me saluait. Il était trop gentil », dit l’un. Mieux que cela : ses parents « nous disaient “salam” quand on les croisait dans l’escalier ».

Dans mon enfance, on se disait plutôt « bonjour » que « salam ». D’ailleurs, je dis toujours bonjour à mes voisins ; c’est encore la coutume, là où je vis, peut-être pas pour très longtemps, mais bon, que voulez-vous, c’est ma culture…

Le suspect arrêté – bravo la police ! –, après que l’on eut trouvé son ADN sur les éléments du colis piégé et tout ce qu’il faut pour jouer au petit chimiste dans l’appartement familial, nie toute implication dans l’attentat qui a fait, heureusement, treize blessés légers. Quand d’autres collectionnent les jeux vidéo, Mohamed Hichem M. stockait « acétone, eau oxygénée, acide chlorhydrique ainsi que des emballages de piles LR6 ». Mais bien que son ADN ait été prélevé sur trois débris, sur la scène de crime, et que l’on ait trouvé, dans son ordinateur les traces informatiques d’achats de composants, ce brave garçon affirme n’être pour rien dans l’attentat. « Pour autant, confie un enquêteur au Parisien, il ne cache pas sa radicalisation islamiste et affirme ne pas être choqué par les attentats ».

Mais qui est donc ce gentil jeune homme qu’on rêverait d’avoir pour gendre ?

Mohamed Hichem M. a 24 ans. Il a quitté Oran pour rejoindre sa famille en France, en 2017. Il se présente sur LinkedIn comme « développeur spécialisé dans la création de sites Internet » et propose, ailleurs, « des formations payantes pour apprendre à coder ». On ne sait pas ce qu’il en est de ses réelles compétences en informatique, mais les enquêteurs saluent son professionnalisme dans la confection d’engin explosif : « Les experts qui ont analysé sa bombe ont été impressionnés par son fort bagage technique », écrit Le Parisien ; ils relèvent que « c’est la première fois depuis les terroristes basques que l’on a affaire à un dispositif radiocommandé, plus complexe que les engins chronométrés ». Heureusement, « côté chimie, le suspect n’avait pas les mêmes qualifications et semble avoir sous-estimé le dosage ». Ils n’ont cependant aucun doute : l’engin était destiné à tuer et si la dose de TATP avait été plus forte, il aurait amplement rempli son office.

Reste la question des motivations du monsieur : sans doute une question de « ressentiment envers la France ». Pourquoi ? Parce qu’il n’a pas réussi à s’inscrire dans l’école d’informatique qu’il convoitait : Epitech. Sa demande de visa n’a pas été acceptée, son inscription annulée. Mohamed Hichem M. est donc, depuis deux ans, en situation irrégulière. Et c’est, bien sûr, à la France qu’il en veut, pas à son pays, l’Algérie, conduite depuis des décennies par des politiciens corrompus qui n’ont eu de cesse d’incriminer le colonisateur à l’origine de tous leurs maux.

Combien y a-t-il de Mohamed Hichem M. sur le territoire français ? Combien de frustrés qui, dans leur coin, mitonnent dans la rancœur et mijotent leur petit attentat à l’ancienne ? Car la bombe qui a blessé les passants, vendredi soir, ne peut que rappeler une guerre d’Algérie de sinistre mémoire, quand des vélos piégés sautaient à l’entrée des cinémas… Et ça, c’est absolument imparable.

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29 mai 2019 à 17:25

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