Après les honneurs de la cour, ceux du 20 heures pour Benalla

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Être reçu au 20 heures, ce n’est pas donné à tout le monde. C’est un peu comme si on était reçu à la cour. TF1 ou France 2 ? Peu importe. TF1, c’est bien, car c’est la lointaine héritière de la première chaîne. France 2, c’est le côté attachement au service public. Semaine ou week-end ? On n’a pas toujours le choix, c’est l’actualité qui commande. Du temps de Claire Chazal, le dimanche soir, avant le film, c’était confortable, policé, soyeux. Anne-Claire Coudray, malgré sa tête de bonne fille pas compliquée, est un peu plus vacharde : autre génération. Sinon, en semaine, on a le choix maintenant entre Gilles Bouleau, assez cash, et Anne-Sophie Lapix, qui est capable d’être vénéneuse. Mais bon, l’essentiel, c’est de passer au 20 heures.

On passe au 20 heures pour dire que l’on sera candidat à la présidence de la République. Par exemple, Rama Yade, le 21 avril 2016. Ne représentant qu’elle-même et son mouvement fantôme La France qui ose – et il fallait oser -, elle eut le privilège de passer chez Gilles Bouleau au titre sans doute d’ancienne coqueluche de l’ère sarkozienne. Plus sérieusement, c’est au 20 heures d’Antenne 2, le 22 mars 1988, que François Mitterrand annonça qu’il postulait pour un deuxième mandat. Deux journalistes pour l’interroger : Henri Sannier et Paul Amar. "Monsieur le Président, êtes-vous à nouveau candidat à la présidence de la République ?" Réponse : "Oui".

On passe aussi au 20 heures pour dire qu’on ne sera pas candidat. Il y a les non-anniversaires au pays d’Alice ; il y a donc les non-candidatures. Ce fut le cas de Jean-Louis Borloo, le dimanche 2 octobre 2011 sur TF1, après avoir fait monter le suspense. "C’est plus facile d’être candidat, de venir sur les plateaux, d’être au milieu du jeu. Je crois que c’est plus responsable de prendre la position que je prends." C'est pas faux.

On passe au 20 heures pour se confesser, aussi. Évidemment, nous vient à l’esprit le passage de Dominique Strauss-Kahn, le dimanche 18 septembre 2011, quatre mois après s’être retrouvé menotté devant la Terre entière pour l’affaire que l’on sait. Il fallait la grande prêtresse dominicale de l'époque pour cette confession inédite. L’ancien patron du FMI avait retrouvé de sa superbe et revêtu une chemise de pénitence assez légère. Il n’avait commis "ni violence, ni contrainte, ni agression, ni aucun acte délictueux. C’est le procureur qui le dit, ce n’est pas moi." C'est pas moi, madame Chazal. Il n’avait à se reprocher qu’une "relation inappropriée". On est à une heure de grande écoute, des enfants peuvent écouter. Très important, au 20 heures, le choix des mots. "Relation inappropriée", ça passe bien et chacun y voit ce qu’il veut ou peut en fonction de ses fantasmes, dont l'assouvissement attendra la deuxième partie de soirée.

Et, désormais, on passe au 20 heures pour dire tout simplement qu’on est un gentil garçon, dévoué, toujours prêt à rendre service, même aux policiers, un gars qui ne compte pas ses heures et n'hésite pas à faire cadeau de ses RTT. La dame des 35 heures dont le corps bénéficia ponctuellement de la garde de ce gentil garçon, lorsqu’elle était premier secrétaire du PS, doit s’étrangler en entendant cela ! On ne passe pas à la pointeuse à l'Élysée.

Un point essentiel lorsqu’on passe au 20 heures : la tenue. Elle doit être impeccable. D’ailleurs, ce jeune Alexandre Benalla était parfait, vendredi soir. Costume bleu, chemise blanche, cravate bleue, chaussures noires, sans oublier les lunettes rondes de celui qui étudie ses dossiers sérieusement et ne s'en sert pas pour taper sur les manifestants. Tout comme il faut. Un look de candidat à la présidence de la République, en somme. Le 20 heures est la savonnette à vilain qui ferait presque passer une petite frappe pour un conseiller référendaire à la Cour des comptes. Le miracle du 20 heures.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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