Au sommet de l’État, le lobby alcoolier est d’une grande efficacité. N’a-t-on pas vu le président de la République, avant une visite au Salon de l’agriculture, se livrer à une apologie du vin, pour tempérer les propos de son ministre de la Santé qui avait dénoncé, à très juste titre, les méfaits des boissons alcooliques sous toutes leurs formes (vins y compris).

L’alcool est chaque année, en France, responsable de nombreux drames personnels, familiaux, sociaux, ainsi que de 49.000 décès ; ce dernier chiffre est dix fois inférieur à celui des personnes qui en vivent (vignerons, débitants, cultivateurs de houblon et de céréales pour le malt…).

Si la consommation d’alcool a baissé de moitié en une cinquantaine d’années, elle est encore de 11 litres d’alcool pur, en moyenne, par citoyen, soit 20 verres de vin (2 litres) par semaine. À côté des abstinents, il y a 4 à 5 millions de sujets « alcoolo-dépendants » (incapables de se passer un jour par quinzaine de toute boisson alcoolique). On dénombre parmi eux près d’un million de victimes de l’alcoolisme, cette maladie grave, voire très grave.

Cette baisse de la consommation d’alcool émeut les alcooliers ; aussi dépensent-ils 450 millions d’euros par an de publicité pour capter de nouveaux consommateurs. Ils piègent les jeunes avec les prémix ; les femmes avec le vin rosé, devenu vin « féminin ». À cela s’ajoute l’élévation du degré alcoolique des vins qui tend vers le plus haut niveau (15°) que supportent les enzymes de la fermentation alcoolique ; les bières connaissent aussi une inflation de leur degré alcoolique ainsi que du volume de leurs flacons (canettes de 33 cl plutôt que 25).

Alors que le sport a constitué un des outils efficaces de la réduction de l’alcoolisation de nos jeunes, une députée LREM, madame Perrine Goulet, dans un rapport remis au Premier ministre, le 30 novembre dernier, voudrait revenir sur plusieurs dispositions de la loi Évin (bien sûr pas, se défend-elle, au nom des alcooliers, mais au nom du mouvement sportif que la loi Évin prive de revenus importants, estimés à 30 millions pour le seul football). Elle propose ainsi :
- de rompre avec la limitation, à dix manifestations par an, de la vente de bière par les buvettes d’un club ;
- de revenir sur l’interdiction générale de la publicité pour l’alcool à la télévision ;
- de revenir sur l’interdiction du parrainage des clubs sportifs par les alcooliers.

Elle se sert de certains mauvais exemples ayant cours ailleurs, ou de contournements de la loi effectués ici, pour rompre avec les pratiques plus vertueuses prônées par ce qu’il reste de la loi Évin, « détricotée » par des gouvernements successifs.

Saluons, au passage - chapeau très bas -, la ferme opposition, très argumentée, exprimée par la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et conduites addictives. MILDECA qui renoue, enfin, avec les fondamentaux de la lutte contre les drogues, qu’elles soient licites ou illicites.

Se servir du sport et de ses intérêts financiers pour faire avancer des idées mortifères m’a inspiré, au nom de notre Centre national de prévention, d’études et de recherches en toxicomanies (CNPERT), l’admonestation suivante de la députée : "Votre proposition est de nature à ruiner les efforts déployés pour diminuer l’alcoolisme dans notre nation en élargissant les possibilités de consommer l’alcool là où il doit être banni (les stades). Elle constitue une faute et, à certains égards, un crime, puisque l’alcool tue chaque année 49.000 des nôtres."

Le sport est un élément de la prévention de l’alcoolisme. Réintroduire l’alcool sur les stades et renforcer sa présence dans l’esprit du public serait une aberration.

La députée Perrine Goulet ne doit pas persister dans ses fausses bonnes idées, qui sont en fait de vraies mauvaises idées.

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26 décembre 2018 à 10:32

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