[ANIMAUX] Impossibilité de détenir un marcassin : l’administration se venge de Rillette

Paradoxe écologique : détenir 40 grenouilles bleues d'Amérique du Sud sera autorisé, mais un sanglier gaulois, non.
Photo de Rodolphe Asensi / Pexels
Photo de Rodolphe Asensi / Pexels

Ces dernières semaines, l’État a organisé une consultation sur le « projet d’arrêté ministériel modifiant l’arrêté du 8 octobre 2018 fixant les règles générales de détention d’animaux d’espèces non domestiques ». Parmi les enjeux, le sort des animaux sauvages sauvés par des particuliers, dont le cas le plus récent et le plus emblématique est celui de la laie Rillette.

Dans sa nouvelle disposition, l’article 16 impose une déclaration préalable et une justification de l’origine légale. Or, quoi de plus imprévisible que le sauvetage d’un animal, et quoi de moins identifié qu'un animal sauvage ? Les nouvelles dispositions rendront quasi automatique la remise de l’animal à l’administration. L’article 16 exposera les sangliers dans ce cas « à un abattage systématique, commente 30 millions d’amis, sans aucune possibilité pour les préfectures soucieuses du bien-être animal de permettre aux particuliers de conserver l’animal ».

Pas de dérogation possible

Jointe par BV, Alexandra, responsable des relations publiques de l’association Code animal, se réjouit partiellement des modifications. « Justifier l’origine légale permet d’éviter du trafic et du blanchiment d’espèce, explique-t-elle, et demander une autorisation préalable est en soi une bonne chose. » Code animal est spécialisée dans les saisies de faune sauvage, essentiellement exotique, des reptiles (serpents, tortues) et des félins (servals, caracals), et souvent confrontée aux effets néfastes des trafics.

Cependant, comme BV en lançait l’idée à propos de Rillette, Code animal soutient l’idée d’une dérogation pour ces animaux locaux. « Il faut ouvrir la possibilité d’une régularisation pour les animaux issus de sauvetage », selon Alexandra. Majoritairement, dans nos campagnes, des marcassins. Mais pas question de faire n’importe quoi. « Le fait de passer par un centre de soin est un impératif pour éviter toute dérive. Dès qu’on rencontre un animal blessé, le réflexe doit être de le présenter au centre de soin vétérinaire. » Celui-ci pourrait alors se prononcer ou non en faveur de la détention de l’animal par le particulier. « D’autant que chez les sangliers, l’imprégnation est irréversible, l’animal ne peut retourner dans son milieu naturel. »

Un arrêté illisible qui ne contente personne

Qui dit consultation publique dit avis. Parmi les 3.788 contributions recueillies, certaines s’en prennent à l’État, d’autres aux chasseurs, d’autres aux antispécistes — toutes ont en commun de se déclarer « défavorables » à l'arrêté modifié. Sur le point qui nous intéresse, les avis sont unanimes et celui-là les résume bien : « Un animal sauvage tel qu’un faon ou un marcassin recueilli suite à un sauvetage doit garder sa place auprès de la famille qui l’a recueilli. De quel droit l’État se mêle de ce genre de problème futile quand l’animal est bien ? »

De fait, explique Alexandra à BV, « les gens qui sont favorables à la détention d’animaux sauvages n’y trouvent pas leur compte. Et nous qui remettons en cause cette détention, non plus! » De plus, l’arrêté, complexe à l’origine, est encore moins lisible désormais. « Personne n’a la même interprétation. Or, une personne qui souhaite avoir un serpent doit s’y référer, mais c’est incompréhensible — même pour nous qui sommes de la partie… » Elle s’interroge : « Que va faire le gouvernement de tout cela ? L’administration ? Les forces de l’ordre avec lesquelles nous travaillons lors des saisies ? »

La préfecture de l’Aube est vengée

Dans sa nouvelle rédaction, l’arrêté n’est pas exempt de paradoxes. On interdit la détention d’un sanglier, espèce locale et robuste, mais on autorise, sans avoir à en faire la demande, la possession d'une à quarante grenouilles bleues (Dendrobates azureus). Or, cette grenouille d’origine guyanaise est très fragile. Elle demande une installation pointue et des soins assidus. Pourquoi cette tolérance ? « Cette dendrobate bleue est très prisée en terrariophilie, nous explique Alexandra. C’est l’espèce numéro 1 des ventes et des détentions. » Des intérêts commerciaux seraient-ils en jeu ? On s’éloigne de l’idée de protection animale.

Si Rillette a pu rester auprès d’Élodie, qui l’a sauvée d’une mort certaine, c’est grâce à une forte mobilisation médiatique. La sympathie et le bon sens populaire ont mis du sable dans les rouages du fonctionnement trop rigoriste de la préfecture de l’Aube. Avec la nouvelle version de l’arrêté qui interdit toute mansuétude, n’est-ce pas l’administration qui se venge, sur ses congénères, de l’humiliation publique que lui a infligée Rillette ?

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Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

20 commentaires

  1. Une solution: modifier l’article 16, en stipulant que le déclarant certifie sur l’honneur l’origine légale de la détention de l’animal. En vertu de la présomption de bonne foi, c’est à l’administration de rapporter par tous moyens la preuve contraire.

  2. Un animal est un animal. Faire une distinction entre un animal domestique et un animal sauvage est purement artificiel, et n’a donc aucun sens. Un sanglier sauvage adopté et élevé par une personne devient un animal domestique. Et un chien domestique abandonné dans la nature devient un animal sauvage.

  3. C’est aussi au nom du « bien être animal », que l’état autorise des dérogations et le fonctionnement d’abattoirs halal ou des animaux sont égorgés sans étourdissement préalable et laisser agoniser pendant de longues minutes dans des souffrances atroces… et tout ça pour satisfaire une religion… Il est vrai que la France est laïque et qu’il est interdit de mettre de crucifix dans des salles de classes… Ca, c’est beaucoup plus grave que de torturer un animal au nom d’Allah… Dieu d’une religion de « paix et d’amour… ».

  4. Toujours plus de normes, de règlements, de fonctionnaires inutiles, d’associations parasites peuplées de gens qui n’ont tellement rien d’autre à faire que de s’occuper de la défense des fourmis (si si, ça existe), est-ce que la queue en tire bouchon du cochon doit pencher à droite ou à gauche, il va falloir créer une Commission pour débattre de ce sujet si important.
    Quand une société passe son temps à s’occuper de telles futilités, c’est qu’elle s’ennuie fortement.
    Les 35 heures, voire 32 de l’administration ne sont pas étrangères à l’accentuation de ces délires.

  5. Sensiblerie ! Je n’ai aucun animal de compagnie et n’en aurais jamais. Un animal est fait pour rester sauvage et vouloir « détenir » un animal est, pour moi, une aberration (surtout quand la première préoccupation de ces gens est de faire « castrer » la bête).

    • @pipo 56 : « surtout quand la première préoccupation de ces gens est de faire “castrer” la bête » ; à la demande de qui ? Si pas castré, si pas de puce sous la peau abattu c’est mieux? Et les humains à quand leur tour, pas castré, pas de puce, nuisible, abattu par suicide assisté. Sensiblerie dites vous…

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