Alain Bauer : « L’attentat de Vienne démontre simplement que la confrontation avec les djihadistes est universelle »

ALAIN BAUER

Alain Bauer est professeur de criminologie. Il répond aux questions de Boulevard Voltaire au sujet de la tuerie de Nice et des derniers événements qui ont ensanglanté la ville de Vienne.

Quel est le profil du terroriste de Nice ? Au vu de sa trajectoire, il semble être venu en France dans le seul but de commettre cet acte...

C’est assez probable, au vu des informations reçues en provenance d’Italie et de Tunisie. La seule question qui reste à éclaircir porte sur son statut : envoyé par Al-Qaïda ou l'État islamique, poussé par des correspondants individuels, djihad isolé.

Sommes-nous en guerre, Alain Bauer ?

Je suis toujours très sceptique sur cette expression galvaudée et de posture médiatique. À la guerre, on fait la guerre ; au terrorisme, on fait la police. Quand on ne sait pas maîtriser son verbe, ni définir l’ennemi, on ne peut gagner sur aucun des terrains du djihad : le territorial et le virtuel. Le terrorisme, c’est de la violence et de la communication, l’antiterrorisme de la sécurité et de la communication. Il faut éviter de tout confondre tout le temps. L’imprécision et l’agitation nuisent considérablement à l’action.

On a l'impression que ces attaques n'ont pas été revendiquées. Aucune allégeance à Daech et à l'État islamique, comme si les déclarations de certains leaders du monde musulman avaient suffi à provoquer des passages à l'acte…

Il n’est pas toujours nécessaire de revendiquer. Et Al-Qaïda comme l'État islamique sont souvent très opportunistes sur la reconnaissance d’un attentat. La diversité des recrutements de l’État islamique a permis de cumuler trois types d’opérateurs et d’opérations :
- les lions du califat, personnel salarié et téléguidé de l’État islamique ;
- les soldats du califat, sous-traitance upérisée et semi-dirigée ;
- les autres, inconnus, parfois revendiqués mais pas toujours, annonçant leur allégeance ou pas, mais se situant dans la mouvance djihadiste.

Ces profils inconnus des services sont-ils traçables d'une manière ou d'une autre ou sommes-nous impuissants à prévoir leurs gestes ?

Les services se sont beaucoup améliorés, depuis juillet 2016 et l'attentat du 14 juillet à Nice. Une demi-douzaine d’interpellations préventives avant cette date, dix fois plus depuis. Mais il faut reconnaître que plus les réseaux structurés et connectés sont démantelés, ce qui reste, plus isolé, moins organisé, moins armé, est bien plus compliqué à identifier.
Le « ministre des attentats » de l’État islamique, M. Al Adnani, avait théorisé cette pratique du terrorisme de proximité et on s’attendait à des essaims d’opérateurs. Il y en a beaucoup moins et ça a mis plus de temps qu’attendu. Mais c’est, hélas, le cas partout et toujours.

À l’heure où nous parlons, un attentat à Vienne a fait trois morts et de nombreux blessés. Finalement, on s’aperçoit que Charlie Hebdo, les caricatures, la laïcité ne sont que des prétextes et que les attentats islamistes visent l’Occident en tant que tel...

L’attentat de Vienne démontre simplement que la confrontation avec les djihadistes est universelle. On ne rappellera jamais assez que de très nombreux civils des pays musulmans paient aussi le prix du sang au quotidien et dans l’indifférence générale. Mais que les points forts en Occident sont aussi naturellement visés, et le chancelier autrichien a développé une politique ferme vis-à-vis des influences turques en Autriche.
Mais, en matière de djihad, tout est prétexte.

Entretien réalisé par Marc Eynaud

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 17/11/2020 à 22:50.
Alain Bauer
Alain Bauer
Professeur de criminologie - Professeur de criminologie

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