Huit écoles prestigieuses (quatre ENS, trois écoles de commerce, Polytechnique) doivent remettre un rapport à Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur. Objectif : trouver des solutions pour augmenter le nombre de boursiers dans les grandes écoles. Selon le JDD, l'une des mesures proposées consisterait à accorder des points bonus aux boursiers, lors des épreuves écrites d'admissibilité. Une façon de pratiquer la discrimination positive, mais aussi d'occulter la question essentielle : le niveau de l'enseignement secondaire, qui ne permet pas à tous les talents de se développer.

L'ouverture sociale des grandes écoles est devenue la tarte à la crème de tous ceux qui ne veulent pas voir en face la réalité de l'enseignement. On ressort régulièrement des chiffres pour déplorer que le nombre de boursiers, qui correspond grosso modo aux milieux les plus modestes, n'y soient pas plus présents : 12 % à l'X, 18 % à HEC, 19 % à l'ENS-Ulm. Il faut donc leur donner un avantage, comme celui d'instaurer un système de bonification pour les candidats boursiers, voire de moduler le nombre de points accordés en fonction du niveau de la bourse.

Ce n'est pas la première fois qu'on a recours à ce type de recettes qui, sous prétexte d'améliorer la diversité sociale, créent une nouvelle forme de discrimination. On se souvient des conventions éducation prioritaire de 2001, instaurant une voie d’accès à Sciences Po Paris pour des élèves issus de lycées relevant de l'éducation prioritaire. D'autres grandes écoles ont supprimé ou aménagé des épreuves de culture générale, jugées socialement discriminantes. Cette proposition de bonus serait une nouvelle solution.

Mais toutes ces mesures donnent faussement bonne conscience : elles s'attaquent aux symptômes, non aux causes. Céder à la facilité de la discrimination positive, c'est confirmer l'incapacité de l'Éducation nationale à conduire vers l'excellence tous les élèves qui, quel que soit leur milieu d'origine, en ont la volonté et le talent. Le culte de l'hétérogénéité des classes, la diminution des exigences, les renoncements successifs, depuis des décennies, ont nui, en premier lieu, aux élèves qui n'ont que l'école pour acquérir des savoirs et une culture générale.

Pourtant, les moyens ne manquent pas pour pallier cette faillite. Faire en sorte que les élèves les plus talentueux puissent progresser, sans être ralentis par la médiocrité imposée. Réhabiliter l'émulation et la sélection. Rappelons-nous ce qu'écrivait Jacqueline de Romilly : « L'émulation fait travailler, c'est son premier bienfait. La sélection, on la présente comme un barrage. C'est le contraire. Il faut se la représenter comme un appel vers le haut, stimulant, prometteur de progrès pour tous. » Accompagner les élèves des familles les moins favorisées, créer des internats d'excellence...

Mais dans une époque où domine le préjugé égalitariste, plutôt que de tendre vers l'objectif de conduire tous les élèves au maximum de leurs capacités, on préfère avoir recours à la discrimination positive, qui est la consécration du défaitisme, de l'injustice, de la démagogie. Après le critère des bourses, on tiendra compte de critères géographiques, ethniques, voire de la couleur de peau... On met l'accent sur les différences au lieu de chercher à les transcender.

Dans ce domaine, comme dans d'autres, nos prétendues élites veulent nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Ces pseudo-défenseurs de la démocratie tombent dans les pires défauts de la démagogie : ils flattent le peuple pour mieux consolider leurs privilèges. Si l'égalité des chances est un principe républicain, l'égalité des résultats en est la perversion.

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14 octobre 2019 à 18:24

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