À Villepinte, Zemmour enthousiasme une foule compacte de 13 000 partisans et lance son parti : Reconquête
En dépit d’un changement de lieu (du Zénith à Villepinte, à 35 kilomètres au nord de Paris) et d’une absence de fléchage qui rendait le meeting difficile à trouver, quelque 13.000 personnes ont assisté à ce premier rendez-vous du candidat Zemmour. Un exploit réussi, un dimanche grisâtre et pluvieux, alors que les médias ont abondamment parlé de la menace des antifas. Cette menace aurait pu dissuader certains sympathisants, ce ne fut pas le cas. Dans un bâtiment immense, l’équipe de Zemmour a dressé de grands écrans. Des chaises occupent les trois quarts de l’espace. Une forêt de drapeaux accompagne la clameur qui monte à chaque « punchline » des orateurs. La foule compte de nombreux jeunes, des familles et des représentants de tous les âges. Assis au premier rang, on reconnaît Jean Messiha, la directrice de campagne et compagne de Zemmour Sarah Knafo, très applaudie, mais aussi l’épouse de Zemmour Mylène Chichportich, le journaliste Éric Naulleau ou l’expert de l’émission « Affaire conclue » Pierre-Jean Chalençon.
Au pupitre, pour chauffer la salle, les personnalités se succèdent. Pour Laurence Trochu, patronne du Mouvement des conservateurs, « Éric Zemmour est le candidat de l’amour de la France ». Jusqu’ici affilié à LR, son mouvement rejoint la campagne de Zemmour. « Nous ne voulons plus de l’impérialisme des juridictions supranationales », martèle-t-elle sous un tonnerre d’applaudissements, tandis que les écologistes partisans d’une « planète vide et désincarnée », selon elle, sont copieusement sifflés. Stanislas Rigault rend hommage aux 6.000 jeunes militants de Génération Z. Paul-Marie Coûteaux lance une « ode à la souveraineté ». Jean-Frédéric Poisson fait acclamer longuement les forces de l’ordre et huer « les fascistes qui ont tenté d’empêcher la réunion », sans oublier de faire siffler Macron, « briseur de libertés ». Jacline Mouraud, qui fut une figure des gilets jaunes martèle, que « la mondialisation assassine les peuples ». « Nous refusons la fatalité imposée par les élites », dit-elle. L’équipe de l’émission « Quotidien » est huée par la salle : écartée par mesure de sécurité, elle reviendra peu après.
La température est montée de plusieurs degrés lorsque Éric Zemmour fait son apparition, dans la ferveur des grands jours. Alpagué au cou par un opposant avant sa montée sur scène, le candidat ne prêtera aucune attention aux quelques échauffourées (trois ou quatre) qui accompagnent des manifestations d’opposants présents dans la salle.
« La prochaine élection présidentielle devait être une formalité pour cinq années supplémentaires de macronisme, entame Zemmour, mais un petit grain de sable est venu gripper la machine. Ce grain de sable, ce n’est pas moi. Ce grain de sable, c’est vous ! » Il commence par faire pièce des critiques et attaques lancées contre lui par ses adversaires. Habilement. « S’ils me détestent, c’est parce qu’ils vous détestent, s’ils me méprisent c’est parce qu’ils vous méprisent », lance-t-il, avant de faire le compte de ceux qui veulent sa mort politique, sa mort sociale, jusqu’aux djihadistes « qui veulent ma mort tout court ». Et puis Zemmour bascule vers l’essentiel, la cause de sa candidature. « Nous sommes engagés dans un combat plus grand que nous, dit-il. Celui de transmettre à nos enfants la France telle que nous l’avons connue, telle que nous l’avons reçue. » Alors, il lance « la reconquête de notre pays pour le retrouver ». « Reconquête », c’est donc le nom du mouvement appelé à accompagner la candidature d’Éric Zemmour aux présidentielles et aux législatives qui suivront, en attendant sans doute d’autres scrutins. Au même moment, les sites Internet de ce nouveau parti ouvrent sur le réseau. « Vous ne travaillez pas pour vos petites existences mais pour la France, assure le candidat. Pour que dans un siècle, notre pays soit à nouveau envié, admiré et respecté. »
Zemmour évoque les deux craintes des Français, « celle du déclassement et celle du grand remplacement ». Et il ébauche les rudiments d’un programme libéral en économie. Moins d’impôts de production, moins de charges sur les salaires, le choix d’une priorité donnée à l’industrialisation. Il entend œuvrer pour la simplification administrative, la transmission des entreprises « de génération en génération ». Et reste solide sur ses bases : il veut remettre les flux d’immigration à zéro dès le début de son mandat, limiter le droit d’asile à « une poignée d’individus », supprimer le regroupement familial et le droit du sol et limiter drastiquement l’immigration économique.
Enfin, il fait acclamer Éric Ciotti qui, le même jour, a pris ses distances avec Valérie Pécresse, vainqueur des primaires de la droite. Zemmour rappelle les engagements trahis par la droite. « Pécresse agira comme son mentor Chirac, tranche-t-il : elle promettra tout et ne tiendra rien ». L’ex-polémiste réserve ses attaques les plus dures à Emmanuel Macron. « La France a élu le néant, attaque Éric Zemmour. Nous laisserons cet adolescent se chercher éternellement. Nous allons faire du macronisme un mauvais souvenir. Je veux de l’enthousiasme, des chants, de la fierté ». Et il entonne à gorge déployée une Marseillaise.
Zemmour avait titré son dernier livre La France n’a pas dit son dernier mot. Apparemment, le candidat Zemmour non plus. Il faudra compter dans la campagne avec les mots et les ambitions de ce perturbateur que personne n’attendait voilà encore quelque mois et qui, armé d’un discours patriote au souffle incontestable, percute actuellement toutes les stratégies des états-majors.
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