23 juin 1565 : fort Saint-Elme, l’héroïque sacrifice de l’Europe chrétienne

Ce fort fut le théâtre d’un combat jusqu’à la mort, symbole de la résistance de la chrétienté face aux Ottomans.
Fort_St._Elmo;_Valletta,_Malta

Le 23 juin 1565 marque l’un des épisodes les plus emblématiques du « grand siège » de Malte, lorsque les troupes ottomanes s’emparèrent du fort Saint-Elme après une résistance héroïque des chevaliers de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem. Ce fort, pourtant considéré comme le maillon faible du dispositif défensif par Soliman, devint le théâtre d’un combat mené jusqu'à la mort, incarnant la lutte désespérée mais résolue de l’Europe chrétienne face à l’expansion ottomane.

La conquête de la Méditerranée

Depuis le début du XVIe siècle, la Méditerranée est le théâtre d’une lutte acharnée entre l’Empire ottoman et les puissances chrétiennes. Après avoir conquis Constantinople en 1453, les Ottomans poursuivent leur avancée vers l’Occident. Sous le règne de Soliman le Magnifique, leur flotte domine l’est du bassin méditerranéen. Malte, remise à l’ordre de Saint-Jean par Charles Quint en 1530, devient alors un verrou stratégique entre Orient et Occident, et une base d’opérations contre les Barbaresques.

En mai 1565, le sultan Soliman décide de frapper fort et de s’emparer de Malte. Il dépêche une flotte de plus de 180 navires, transportant plus de 30.000 hommes commandés par Mustapha Pacha et l’amiral Piali. En face, le grand maître Jean de La Valette dispose d’environ 10.000 défenseurs, dont quelques centaines de chevaliers.

Un avant-poste crucial

Le fort Saint-Elme, bâti à la pointe de la péninsule Xiberras, protège l’accès aux villes de Birgu et de Senglea. Bien que d’apparence modeste, sa position en fait un enjeu stratégique. Les Ottomans comprennent alors qu’ils doivent d’abord le prendre pour installer leurs canons et isoler complètement le reste de l’île.

Dès le 24 mai, le fort est assiégé et bombardé par la puissante artillerie ottomane. Malgré les brèches, les assauts ennemis échouent jour après jour, coûtant la vie à des milliers de soldats turcs. Les chevaliers reçoivent quelques renforts par barques depuis Birgu, mais leurs pertes sont considérables.

L’ultime sacrifice

Près d’un mois après le début des combats, les Ottomans, lassés de ce siège, finissent par lancer une attaque massive le 23 juin. Cette fois, la résistance héroïque des défenseurs ne suffit plus : submergés par le nombre, ils tombent un à un. Les derniers survivants, au nombre de huit, réfugiés dans la chapelle du fort, sont humiliés et vendus comme esclaves. Afin d’effrayer les habitants, les têtes des chevaliers sont exhibées sur des pieux. En réponse, Jean de La Valette fait décapiter les prisonniers ottomans et les envoie à ses ennemis à l’aide de ses bombardes.

Cependant, la prise du fort Saint-Elme est en réalité, pour les Ottomans, une victoire à la Pyrrhus. Afin de conquérir cette place forte, ils ont dû sacrifier environ 4.000 hommes et tirer plus de 18.000 coups de canon. La durée du siège a également donné le temps nécessaire aux défenseurs de Birgu et Senglea pour se renforcer et se préparer aux attaques ottomanes. Face à la résistance opiniâtre des Maltais, soutenue par des renforts espagnols, et à l’incapacité de ses troupes à s’emparer de l’île, Soliman se voit contraint de faire battre en retraite ses armées.

Un tournant stratégique

Ainsi, le sacrifice de Saint-Elme devient rapidement un symbole de bravoure dans toute la chrétienté. Jean de La Valette est glorifié à travers l’Europe et la victoire finale du siège de Malte galvanise les cours chrétiennes. La localité près du fort Saint-Elme portera ainsi le nom du grand maître de l’Ordre et deviendra la capitale officielle de l’île : La Valette. La papauté, qui a soutenu l’Ordre, voit aussi dans cet épisode la preuve qu’une coalition chrétienne peut repousser la menace ottomane.

Militairement, la bataille montre également les limites de l’expansion ottomane en Méditerranée occidentale. En effet, malgré leur supériorité numérique, les forces turques sont freinées par la ténacité et l’organisation des chevaliers. Politiquement, la victoire redonne confiance à l’Europe et annonce la future coalition de la Sainte-Ligue qui, six ans plus tard, infligera aux Ottomans une défaite décisive à Lépante, la bataille des géants.

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Eric de Mascureau
Chroniqueur à BV, licence d'histoire-patrimoine, master d'histoire de l'art

Vos commentaires

12 commentaires

  1. Il y a 3jours, me trouvant dans le Gers et plus précisément à LECTOURE j’ai visité, avec le propriétaire pour guide, le château de LACASSAGNE où se trouvent dans un grand salon du premier étage des peintures de très grands formats qui tapissent les murs et qui représentent la totalité de la bataille jusqu’à la victoire. Elles sont une copie de fresques existant sur place à Malte rappelant cette illustre bataille. De mémoire il doit y avoir 13 tableaux qui tapissent les murs au dessus du lambris. En outre la pièce comporte un plafond « à la française » exceptionnel par son décor. A voir. Pour cela il faut prendre contact avec l’office de Tourisme de Lectoure.

  2. Merci de nous rappeler ces moments glorieux qui ont sauvé la Chrétienté par le passé, nous avons besoin de nous remémorer ces victoires pour affronter le présent.

  3. Magnifique résistance et sacrifice héroïque, suivi d’une victoire ultérieure ! Cela rappelle tout à fait le schéma de la 2ème guerre médique : sacrifice de Léonidas aux Thermopyles, puis les victoires de Salamine, Platée et Mycale.

  4. Le Grand maître de l’Ordre se nomme Jean de Valette (et non de La Valette). Il est d’origine française.

  5. Merci de rappeler cet incroyable fait d’armes mais cinq précisions : 1/ Valette (un de mes très lointains parents) ne s’appelait pas « de La Valette » (comme s’appellera le fils qu’il avait eu bien qu’il ait été religieux), mais Jean de Valette Parisot. 2/ C’est une famille d’origine rouergate (comme Raymond IV, Montcalm et Castelnau); et comme ces 3 autres géants il a été trahi par les pouvoir centraux de l »époque. 3/ Et donc il est à tout le moins très exagéré de parler de « l’héroïque sacrifice de l’Europe chrétienne ». Il sera plus juste de dire  » l’héroïque victoire de 500 chevaliers face à 50 000 Turcs. »! En effet  »l’Europe chrétienne » (sic) avait intimé à Valette d’abandonner Malte aux Turcs que l’on croyait invincibles après la prise de Constantinople (elle aussi abandonnée par l »Europe chrétienne »). Valette a heureusement désobéi. Puis il a été couverts d’honneurs par ces méprisables. Et nous, hommes de la base , plus intelligents, courageux et expérimentés, si nous désobéissions aussi ? 4/ Valette avait été blessé et capturé par les Turcs après la chute de Rhodes et avait survécu à un long calvaire dans les galères ottomanes. 5/ Le peuple maltais a lui aussi été héroïque.

    • J’ai vu á Malte, dans un musée, le squelette d’un de ces défenseurs. C’état un gaillard de plus de 2m. Il avait dû donner du fil à retordre aux Turcs: il avait été décapité, les pieds et les mains coupées.

    • Le chevalier qui se prétend descendant du Grand Maître de l’Ordre de Malte, le vaillant chevalier Jean de Valette, affirme que les puissances chrétiennes ont abandonné l’Ordre en 1565. Mais il est juste de rappeler à ce chevalier que toute la chrétienté n’a pas failli à son devoir, car l’Espagne a assurément rempli le sien. Ni Juan de Cardona, ni le grand Alvaro de Bazán – qui n’a jamais perdu une bataille –, ni Gonzalo de Bracamonte, ni Sancho de Londoño, ni Alvaro de Sande, qui a réussi à faire abandonner l’île aux Turcs le 7 septembre, n’ont manqué à l’appel.
      On est habitué à ce que l’Espagne soit dépouillée de ses lauriers et qu’on n’en parle qu’en mal. Mais mon devoir, en tant qu’historien et en tant qu’Espagnol, est de ne pas le permettre.

      • Exact senor caballero mais ne soyez donc pas agressif ! Et puisque vous dites vous placer sur le terrain de l’histoire : de mai à septembre 1565 c’est Valette qui tient bon les armes à la main (il a près de 70 ans). Et en septembre c’est Ascanio de la Corna (un militaire italien) à qui don Garcia de Tolède a confié le commandement de l’armée de secours enfin débarquée qui vient au secours des chevaliers assiégés et qui finit le travail. Tout ceci est rapporté dans  »Le siège de Malte » (1566), attribué à Pierre Gentil de Vendôme et Achelis (en grec et en français) que vous devriez lire cf. Bibliothèque de l’école des chartes [archive], 1911, vol. 72, no 72

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