Comme en septembre et octobre 1914, c’est la course à la mer qui va décider du sort des armées françaises. Au soir du mercredi 15 mai 1940, la confusion règne au sommet de l’État politique et de l’État-major militaire. Le général Maurice Gamelin a pris conscience de l’ampleur du désastre de Sedan, citadelle conquise par l’armée allemande le 13 mai, après une défense peu acharnée. Il annonce au ministre de la Guerre, Édouard Daladier, qu’une colonne blindée allemande a été aperçue entre Rethel et Laon. Daladier lui répond qu’il faut attaquer. Mais avec quoi ? Gamelin ne dispose d’aucun corps. La IXe armée est démembrée. Plus de 20.000 soldats ont fui et sont déjà à Compiègne et seuls 10% des éléments encore sur place disposent d’un fusil. Pis. Comme en 1914, tout le monde croit que la destination finale de l’ennemi est Paris. Gamelin informe d’ailleurs Daladier que c’est possible dès le 16 mai ! Mais comme en 1914, ni le pouvoir politique ni les autorités militaires n’ont d’idée précise sur la position réelle de l’adversaire, ni d’ailleurs de leurs propres unités ! Ordre est donné à l’armée de se replier sur une ligne allant de Anvers à Laon.

« Alors c’est la destruction de l’armée française », s’exclame Daladier. « Oui, c’est la destruction de l’armée française », répond Gamelin qui sent arriver le vent de la disgrâce.

Sur les routes, l’exode a déjà commencé et le président du Conseil, Paul Reynaud songe à replier le gouvernement à Tours. Mais quand il interroge son ministre des Transports, Anatole de Monzie (1876-1947), ce dernier lui répond qu’il n’y en a pas un seul et que les Chambres (Députés et Sénat) n’en disposent que de « fort peu »[1].

Au plan militaire, à la tête de 7e Panzerdivision, le général Erwin Rommel (1891-1944) avance à la vitesse de l’éclair. Le 16 mai, il parcourt 80 km en une journée, s’empare d’une centaine de chars français, fait 10.000 prisonniers et ne perd que 35 hommes !

Pendant qu’une nouvelle VIIe armée est constituée pour protéger (inutilement) Paris, Guderian traverse le canal de la Sambre à l'Oise et s'empare de Saint-Quentin et de Péronne. Au nord, Rommel atteint Cambrai et s’en empare sans résistance. Les avant-gardes allemandes avancent maintenant à toute vitesse dans le nord de la France. Au soir du 18 mai, la situation est très confuse.

Le 19 mai, les Panzer foncent le long de la Somme, entre Cambrai et Saint-Quentin. Mais les blindés de Guderian se heurtent pour la seconde fois, près de Laon, à la 4e Division cuirassée du colonel De Gaulle. Quelques-uns de ses blindés arrivent à moins de 2.000 mètres du PC allemand. Guderian, de son propre aveu, passe quelques heures pénibles, mais De Gaulle reçoit l’ordre du général Alphonse Georges (1875-1951) de se retirer pour être employé « à d'autres tâches ».

Le 20 mai vers 9h, les blindés de Guderian s'emparent d'Amiens puis foncent vers Abbeville qu’ils prennent vers 19 h 00. Une heure plus tard, l’un des bataillons de tête arrive en Normandie, à Noyelles-sur-Mer (Manche). Depuis le matin, les Panzer ont parcouru environ 110 km. Ils ont avancé d’environ 350 km en dix jours ! le général Alfred Jodl (1890-1946)[2]  note dans son journal : « Le Führer exulte. Il voit la victoire et la paix à portée de sa main ». Un million de soldats français, belges et anglais sont désormais pris au piège. La mort du général Gaston Billotte, suite à un accident de la route survenu le 21 mai, ne fait qu'accroître la désorganisation du commandement allié.

[1] https://2eguerremondiale.fr

[2] Jugé à Nuremberg, il est exécuté, par pendaison, le 1er octobre 1946.

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19 mai 2020 à 19:39

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