18 septembre 1898 : la France recule à Fachoda. Et aujourd’hui ?
Ceux qui pensent faire preuve de novation en déboulonnant les statues semblent oublier que la pratique remonte à la damnatio memoriae romaine et est généralement l’apanage des foules imbéciles qui vont quêter leurs outrances dans l’ivresse servile.
En France, cette pratique détestable de nier le passé produit cette haine de nous-mêmes qui aujourd’hui nous déchire, délite le tissu social et emporte la vérité dans son déchaînement médiatique ; ainsi, il y a 60 ans, une statue fut détruite par des anticolonialistes.
L’épouvantable homme qu’il fallait punir d’avoir existé et d’avoir aimé la France n’était pas un ministre de Louis XIV ou un socialiste soucieux d’apporter la civilisation aux peuplades reculées, ni même un intellectuel fourvoyé dans l’amour de jeunes indigènes frémissant d’énergie vitale, non, juste un capitaine de la coloniale, qui n’avait eu droit qu’à une pauvre statue dans tout le pays pour ses exploits. Un homme véritable, animé d’une foi cristalline et d’un courage hors norme, mais aussi un officier visionnaire, et, comme chacun le sait, l’armée n’aime pas trop, au point de l’envoyer mourir en Chine ; ce qu’il se garda de faire, préférant continuer sa vie de héros tranquille durant la Grande Guerre.
Le 18 septembre 1898, 20.000 soldats et supplétifs anglais rencontrent une poignée d'officiers français commandant 150 tirailleurs sénégalais et une centaine d’autres hommes ; le lendemain, lord Kitchener arrive sur les lieux, commence la crise la plus grave entre les Britanniques et les Français depuis l’affaire du soufre sicilien.
Les Français sont là, sur les bords du Nil, depuis deux mois, mais avant, en un an et demi, ils ont parcouru 3.000 kilomètres dans des contrées inconnues et inhospitalières, réussissant à transporter leur canonnière, démontée, tirée, puis remontée lorsqu’il fallait traverser des régions sans cours d’eau. Explorateurs, ils dressèrent des cartes, décrivirent ces terra incognita, rencontrèrent des indigènes, en furent les prisonniers ou les vainqueurs dans des batailles à 1 contre 100.
Le capitaine Marchand a réussi l’impossible : il a réuni les colonies françaises de l’Ouest africain au Nil, il est à portée de Djibouti ou de l’océan Indien ; dans la région, les Italiens sont à la peine, les Anglo-Égyptiens ont du mal à reprendre le contrôle du Nord-Soudan, les possessions allemandes aussi sont scindées : la France est à deux doigts d’occuper une position hégémonique dans toute l’Afrique.
Nous sommes en pleine affaire Dreyfus, le ministre des Affaires étrangères Gabriel Hanotaux, qui pense que la France doit s’étendre en Afrique et vaincre là l’Allemagne dont il a peur, est remplacé par Delcassé qui veut, au contraire, en découdre en Europe et a besoin de la neutralité – au minimum – des Anglais. L’opinion publique hésite entre l’envie de damer le pion à la perfide Albion et le souvenir de Sedan ; ces derniers l’emportent.
Les Français quittent le fort, avec leurs armes, entre deux rangées de soldats anglais leur rendant les honneurs, ils seront indignement désarmés avant de monter sur le navire venus les chercher à Alexandrie.
Quelques années plus tard, Français et Britanniques signent l’Entente cordiale.
La France s’est arrêtée à Fachoda.
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