
Dans son dernier numéro, le journal Le Point, reprenant des articles parus, entre autres, dans les quotidiens algériens Liberté et El Watan, nous annonce que, cette année, environ 1.200 médecins algériens quitteront l'Algérie pour venir exercer en France. Le quotidien Liberté parle « d'une véritable saignée, d'une plaie béante qui vide le système nerveux de sa matière grise s'étendant d'année en année à toutes les pépinières de compétences que compte le pays » et le quotidien El Watan s'alarme de cet exode massif des médecins algériens qui n'a jamais atteint une telle ampleur.
Cette information fait suite au résultat publié, le 4 février, par le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers en France (CNG) qui révèle que sur les 1.993 lauréats des épreuves de vérification des connaissances pour les médecins étrangers, 1.200 sont des médecins algériens.
Il faut savoir que pour venir exercer en France, un praticien qui ne possède pas un diplôme issu de l'Union européenne doit valider des épreuves de vérification des connaissances (EVC) puis des stages en milieu hospitalier pour pouvoir ensuite exercer la médecine en France.
Sur les 94 nationalités représentées lors de ces épreuves en 2018, plus de 47 % étaient des Algériens (dont la moitié de femmes), alors qu'on ne note que 19 % de candidats tunisiens et 4 % de marocains. Pour expliquer cette disparité, le quotidien El Watan explique que cela serait dû au fait que les médecins marocains sont mieux payés que les médecins algériens (2.000 € par mois, contre 400 €), mais cela n'explique pas tout, et pour le quotidien Liberté, ces médecins cherchent à fuir un environnement professionnel et social peu favorable à l'épanouissement de leur carrière, car l'exercice de la médecine en Algérie ne leur permet pas - dixit El Watan - de s'adapter à l'actualisation des connaissances scientifiques, contrairement à ce qui est fait au Maroc, où les médecins peuvent acquérir de nouvelles compétences grâce à un partenariat franco-marocain.
Le docteur Bekkat Berkani, doyen des médecins algériens, regrette, dans les colonnes du journal El Khabar, que « ces médecins préparés et formés en Algérie s'expatrient, ce qui prouve l'échec des ministères de la Santé et de l'Enseignement supérieur à prendre correctement en charge nos jeunes médecins car on ne leur offre rien, ni salaire adéquat, ni motivation comparable à ce dont ils peuvent bénéficier à l'étranger », ce qui impliquerait de prendre des solutions d'urgence au niveau des salaires des praticiens de la santé publique, ainsi que la modification des statuts des professionnels de santé.
Quand on interroge des confrères algériens qui exercent maintenant en France sur les motivations de leur venue, certains répondent qu'étant de culture française, ils ont trouvé tout naturel de venir s'installer en France ; pour d'autres, particulièrement des Kabyles, ce sont plutôt des raisons sociétales qui les ont fait émigrer : « Je n'ai pas envie que mes deux filles soit obligées de porter le voile », nous révélait l'un d'eux, et une consœur maintenant installée dans le Sud-Ouest nous disait se faire agresser par des « barbus » à Alger lors de ses études car elle portait des mini-jupes.
Les raisons ne sont donc pas uniquement financières.
Coté français, cet afflux de médecins étrangers, et particulièrement maghrébins, qui parlent donc parfaitement le français, vient combler, en partie, le manque chronique de médecins français, conséquence du numerus clausus et de la mise à la retraite des nombreux médecins issus du baby-boom d'après-guerre. Ces médecins étrangers accueillis dans les hôpitaux français pour leur formation occupent des postes d’attachés ou d’assistants, nettement moins payés que les postes de praticiens hospitaliers auxquels ils ne pourront avoir droit qu'après la fin de leur cursus, ce dont les directeurs des hôpitaux se félicitent, car pour le prix d'un praticien hospitalier, ils peuvent avoir quatre praticiens attachés qui font le même travail.
Mais que viennent-ils faire en France alors que leur pays a tant besoin d’eux ???
Quelle belle leçon de patriotisme ! ! !
Numérus clausus , au secours …!