La Pologne commémorait, la semaine dernière, l’anniversaire de la mort du bienheureux père Jerzy Popiełuszko, enlevé et assassiné par la police politique communiste le 19 octobre 1984, alors qu’il rentrait d’une visite pastorale à Bydgoszcz. Il fut retrouvé quelques jours plus tard dans un réservoir d’eau de la Vistule, où il avait été jeté pieds et poings liés et lesté après avoir été battu à mort par les trois officiers du « Service de sécurité » (SB) du commando chargé de le liquider.

Ce n’est pas le seul prêtre catholique à avoir été assassiné par le pouvoir communiste en Pologne, et ce n’est même pas le seul à avoir été assassiné dans les années 80. Même en 1989, alors que le pouvoir cherchait déjà à s’entendre avec l’opposition, trois prêtres trop critiques pour le Système ont encore été tués dans des conditions jamais élucidées. La particularité du père Jerzy, c’est que ses messes pour la patrie (c’est ainsi qu’on les appelait) attiraient foule dans sa paroisse du quartier de Żoliborz à Varsovie. Son charisme et sa foi exceptionnels ont été source de nombreuses conversions, y compris à sa mort. Ils étaient peut-être un million de Polonais dans et autour de l’église Saint-Stanisław-Kostka où avait été placé son cercueil lors de la messe du 3 novembre 1984.

C’est le seul cas, dans la Pologne communiste, où, face à la grande émotion suscitée par le martyre de l’aumônier du syndicat Solidarité, ou peut-être en raison de luttes de pouvoir, les assassins de la police politique ont été arrêtés, jugés et condamnés, même si les commanditaires n’ont, bien sûr, jamais été inquiétés. Car dans la République populaire de Pologne, il est totalement exclu que ce commando autonome du département « D » du ministre de l’Intérieur ait pu agir de sa propre initiative. Du reste, on avait déjà attenté à la vie du père Jerzy le 13 octobre, mais sans succès.

Le régime communiste était une mafia et cette mafia a survécu, comme dans tout l’ancien bloc de l’Est, à la transition « démocratique » des années 1989-90, et il a toujours été impossible de condamner les anciens bourreaux du régime après la fin du communisme. Si, dans le cas du père Jerzy, les exécutants ont eu à faire de la prison (quinze ans seulement, après amnistie, pour le chef de l’équipe de tueurs), ils ont toujours respecté la loi du silence, sans quoi ils seraient très certainement morts depuis longtemps. Un général qui avait dirigé le renseignement de la Pologne communiste dira plus tard : "Je ne me souviens de rien de l’époque où je travaillais dans le renseignement." Avant d’ajouter : "Et c’est sûrement la raison pour laquelle je suis encore en vie."

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 19:50.

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27 octobre 2017 à 20:06

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