Filippetti, NKM : les politiques se recyclent

Non-événement en mode mineur, mais néanmoins hautement identifié comme tel par le PME (parisianisme médiatique endogame) : l’ancien ministre socialiste, Aurélie Filippetti, aurait été recruté par l’École supérieure de journalisme de Paris.

Le site de ce temple de la pensée formatée de « gôche » (le lecteur, indulgent, voudra bien nous pardonner cette tautologie) le claironne : "Aurélie Filippetti rejoint l’équipe d’intervenants de l'École supérieure de journalisme de Paris. Elle œuvrera notamment à la direction de la formation en communication institutionnelle aux côtés de Jean-Luc Mano." Pour mémoire, on rappellera que ce dernier, après avoir appartenu à l’Union des étudiants communistes, débuta sa carrière de journaliste à L’Humanité en 1979. On le retrouve aujourd’hui à la tête de l'agence de communication Only Conseil, qu’il a fondée et qui cornaque aussi bien des chefs d’entreprise que des politiques (dont Nathalie Kosciusko-Morizet et Christian Estrosi). Avoir été communiste mène à tout, même à s’écarter du prolétariat.

Le recyclage des politiques est, d’une manière générale, assez spectaculaire. D’abord, il est toujours médiatisé comme pour démontrer urbi et orbi qu’il n’y a pas que la politique dans la vie et que ces professionnels des ors de la République savent aussi emprunter les chemins escarpés du monde du travail. Sauf que ce monde, ensuite, n’est guère celui du smicard ou du cadre moyen obligé de se coltiner, au bas mot, deux heures quotidiennes d’embouteillages sur le périph' parisien ou lillois ou de transports en commun saturés – quand ils ne sont pas grève. En effet, chez ces gens-là, les Montebourg, Villepin, Chatel, Sarkozy, Fillon, NKM petit salarié ne daigne être. Le carnet d’adresses faisant tout, ici plus qu’ailleurs, le Pôle emploi des politique est tout de marbre bâti, poignées de portes aurifiées et épais tapis rouge, majordomes en gants beurre frais.

La professionnalisation de la politique les a encalminés dans une aristocratie de la connivence, sinon de la collusion (pour ceux qui vont pantoufler dans le privé) et, quoi qu’ils disent qu’ils font – ou feignent de faire –, sauf exception, se soumettent-ils à l’immarcescible et implicite loi d’airain que l’on ne peut se mélanger au commun après avoir été élu de la nation, secrétaire d’État ou ministre. Bref, l’on reste entre soi.

Jusqu’à la publication du décret du 15 avril 2013 supprimant les conditions particulières d'accès à la profession d'avocat des personnes exerçant des responsabilités publiques – heureuse initiative que l’on doit au garde des Sceaux d’alors, Christiane Taubira, une fois n’est pas coutume –, le meilleur tremplin restait la carrière d’avocat, même si l’on n'en avait pas la vocation et encore moins les diplômes. Elle permettait d’acquérir un titre, au risque de ternir une profession qui, depuis belle lurette, n’était plus guère associée, dans l’imaginaire populaire, à la rassurante et non moins noble image d’Épinal du défenseur désintéressé de la veuve et de l’orphelin. On ne comptait plus ces fournées de politiciens qui avaient prêté serment, souvent le temps de se refaire une virginité politique (François Hollande en 1995, Noël Mamère en 2008, Jean-François Copé en 2007 ou Claude Guéant en 2012).

Au fait, NKM animera à partir du 21 septembre, pendant dix semaines, un séminaire sur "l'écologie politique" à Polytechnique. Combien d’enseignants bien plus compétents attendent une telle promotion pour faire vivre leur famille ?

Aristide Leucate
Aristide Leucate
Docteur en droit, journaliste et essayiste

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