86 ans après, New York plaque Pétain

New York ne pouvait être en reste. On déboulonne sec, dans le sud des États-Unis, les vieilles gloires des États confédérés, comme le général Lee, transformé par la magie de l’amalgame en une sorte de Himmler avant l’heure. Alors, vite, qu’on nous trouve quelqu’un à déboulonner, as soon as possible, a dû s’exclamer Bill de Blasio, le maire démocrate de la ville Lumière d’outre-Atlantique. Bill de Blasio : une sorte de clone d’Anne Hidalgo, les grandes métropoles mondiales semblant désormais se choisir leur premier magistrat chez le même fournisseur. En février dernier, il présidait une manifestation contre la politique migratoire de Trump sous le slogan "I am a muslim too" : Moi aussi je suis musulman ! Tout est dit.

So what? On a donc dégoté une plaque commémorative en l’honneur du maréchal Pétain. Une plaque toute simple vissée au sol en plein quartier de Broadway sur laquelle on peut lire : "26 octobre 1931, Henri Philippe Pétain, maréchal de France." Auréolé de sa gloire de vainqueur de Verdun, Pétain avait été reçu aux États-Unis avec tous les honneurs à l’occasion du 150e anniversaire de la bataille de Yorktown. Que symbolise cette plaque ? Le président Hoover avait, en quelque sorte, donné la réponse à l’époque : "La présence du maréchal Pétain et du général Pershing, aujourd’hui, symbolise notre seconde camaraderie militaire qui avait été si magnifiquement commencée par les de Grasse, les La Fayette, les Rochambeau."

Mais les temps ont changé, la France n’a plus les moyens de s’offrir des ambassadeurs à Washington comme Paul Claudel et, pour le maire de New York, cette plaque est devenue un symbole de haine. "Des symboles douloureux et évidents de haine, comme les statues et plaques commémorant les collaborateurs nazis ou les partisans de l’esclavage, sont à l’opposé de tout ce que New York défend", a déclaré l’alter ego de notre éclairagiste en chef de la tour Eiffel. Que le régime de Vichy, plus de dix ans après la pose de cette plaque, ait collaboré avec l’Allemagne, c’est indéniable, irréfutable. Mais parler du "collaborateur nazi Philippe Pétain", comme l’a fait le maire de New York, est au mieux de l’ignorance, au pire une reductio ad hitlerum facile, trop facile. Grotesque.

Bill de Blasio ignore sans doute la lettre que le président Roosevelt adressa au maréchal Pétain en octobre 1942, à quelques jours du débarquement en Afrique du Nord et alors même que la politique de collaboration était depuis longtemps enclenchée et que les dirigeants américains n’ignoraient pas le rôle des autorités françaises dans les exactions commises contre les juifs (la rafle du Vel' d’Hiv' avait eu lieu trois mois avant). "Cher Vieil Ami, Je vous adresse ce message, non pas en tant que chef de l’État américain au chef de la République française, mais aussi en tant qu’ami et camarade des grands jours de 1918… Lorsque votre gouvernement conclut, par nécessité, l’armistice de 1940, il était impossible pour quiconque de prévoir le programme de systématique destruction que le Reich infligerait au peuple français"... De fil en aiguille, faut-il envisager de déboulonner Roosevelt ?

Pas si simple, l’Histoire est sans doute trop compliquée pour un Bill de Blasio, tout comme pour une Anne Hidalgo - condamnée récemment pour diffamation après avoir déclaré que le Front national avait soutenu la collaboration avec les nazis !

Faire disparaître les symboles de haine ? Vaste, ou plutôt vague programme ! Car, qu’est-ce qu’un symbole de haine ? À bien y réfléchir, nous sommes tous un peu des symboles de haine. Ou plutôt des cibles. Déboulonnons, dévissons, si ça peut faire plaisir, et en même temps, continuons de déposer des peluches là où la haine, qui n’est pas un symbole mais une réalité, frappe désormais quasi quotidiennement.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 17:37.
Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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