Laurent Wauquiez, le fraîchement élu nouveau président des Républicains, ce deuxième parti de gauche qu’en France on s’obstine curieusement à appeler la droite, est œcuménique, dans la vieille tradition inaugurée, en son temps, par Chirac cherchant déjà à marier la carpe centriste et le lapin droitier.

Ainsi, nous apprend Le Figaro (14 décembre), "pour dissiper les doutes sur sa capacité à fédérer, le président de la région Auvergne Rhône-Alpes réunit à la tête du parti des sensibilités complémentaires, issues du gaullisme, du centrisme, des libéraux et de la droite sociale". On chercherait, en vain, des courants plus authentiquement dextrogyres, à l’instar des catholiques identitaires, des « révolutionnaires conservateurs », voire des contre-révolutionnaires, bref un large aréopage s’étendant d’Éric Zemmour à Alain Finkielkraut, du Front national à l’Action française.

On s’interrogerait également, jusqu’à s’abîmer dans un puits sans fond de perplexité, sur les contours doctrinaux et conceptuels du « gaullisme » habituellement ratatiné à une « certaine idée de la France », définition aussi lapidaire que vaporeuse dont se gargarisent à l’envi tant de traîtres et d’ignorants depuis la mort du Général. À bien observer la France du XXIe siècle, l’on frémit à l’endroit du contenu même de cette « idée » inconsistante, finalement résumée à une auberge espagnole. Quant à rabattre la France sur « une idée », en voilà une très mauvaisement inspirée qui démontre qu’on ne la respire plus, depuis longtemps, par tous les pores de sa peau.

Que dire du centrisme et du libéralisme, tautologies politiques, redondances idéologiques, autres mulets prévisibles de l’attelage wauquiézien ? D’évidence, ils apparaissent surreprésentés, tant il est vrai, comme l’a parfaitement expliqué le philosophe Jean-Claude Michéa, qu’un libéralisme économique conséquent ne peut s’émanciper structurellement du libéralisme culturel ou sociétal – et inversement –, tous deux constituant les deux faces d’une même médaille libérale intégrale.

Quant à la « droite sociale », elle est ce fourre-tout commode permettant de coudre à même sac les catholiques sociaux du XIXe siècle, ceux progressistes de l’après-Mai 68 et les sociaux-libéraux, ordo-libéraux, sociaux-démocrates ou encore démocrates-chrétiens, suffisamment antimarxistes pour ne pas se retrouver chez Mélenchon mais assez tièdement de droite pour ne pas refuser, le cas échéant, de participer à un gouvernement socialo-libéral hollando-macronien.

Lorsque l’on examine de près la garde rapprochée de Laurent Wauquiez, on s’aperçoit qu’elle est composée de centristes et d’opportunistes, ces catégories recoupant souvent les mêmes personnes. À cette aune, l’on parvient à dégager le plus petit commun dénominateur entre la juppéiste Virginie Calmels, le sarkozyste Guillaume Peltier et le centriste Damien Abad – un temps proche de Bruno Le Maire (promu ministre de l’Économie d’Emmanuel Macron) avant de rallier François Fillon –, sans oublier Wauquiez lui-même, blanchi sous le harnais européiste et centriste du défunt Jacques Barrot.

Alors, cap à droite, Les Républicains ? On terminera cet article en citant le professeur Frédéric Rouvillois, coordonnateur (avec Olivier Dard et Christophe Boutin) d’un récent et brillant Dictionnaire du conservatisme, qui confiait au Monde (5 décembre) que "M. Wauquiez est idéologiquement un conservateur, au sens précis du terme, y compris dans les réticences, les prudences, la modération – certain diront la timidité – dont il fait montre sur certaines questions. […] Ce qui le rapproche de Sarkozy, c’est peut-être cette capacité à évoluer, à sentir le sens du vent."

De tels propos dans la bouche d’un homme politique, par surcroît appartenant aux Républicains, s’apparenteraient soit au baiser de Judas soit à un fidèle portrait craché. L’avenir tranchera ce dilemme qui, pour l’heure, continue de faire le malheur de la droite française.

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15 décembre 2017 à 17:59

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