Vive le vote blanc !
Le vote blanc n’est pas le drapeau blanc du champ de bataille politique qui pourrait signifier : « Halte au feu, je me rends ! » Bien au contraire, c’est une posture à l’opposé de l’imposture.
Les bleus sont là, le canon gronde, les bleus sont là, avez-vous peur… Devant les nouvelles colonnes infernales des partis dévoyés, beaucoup de citoyens cocus de fausses séductions s’enfouissent les cornes comme autant d’autruches, préférant se boucher les yeux, ne plus rien dire, ne plus rien entendre… et s’abstenir en masse. Ça sent la désertion ! Faut-il les fusiller, les noyer sur des barges au large du port de Nantes ? Les victoires, les défaites, les retraites honteuses ne les concernent plus. À trop se faire raconter des histoires, ils acceptent que l’Histoire se fasse sans eux. Quelle envie de se rendre aux élections, de suivre des généraux planqués, stratèges aux petits pieds, qui envoient leurs troupes se faire trouer la peau à l’assaut de tous les fronts, à gauche et à droite, jusqu’aux lignes extrêmes pour l’avancement de leurs carrières. Tournées les casaques, retournées les chemises, baissés les pantalons… La trahison est de coutume… Valeur de l’exemple, exemples des chefs, fictif combat des chefs se tenant par l’épaule ou par la barbichette.
D’autres, plus convaincus, sont comme des partisans. Ils font encore le coup de feu. Disséminés aux lisières, combattants d’arrière-garde, résistants d’avant-garde, concernés par le conflit mais pas vraiment dedans, ils agissent en francs-tireurs en allant voter blanc. Sont-ce des coups à blanc ? Juste un peu de fumée, de faibles détonations, pas beaucoup de bruit pour rien. On ne les voit pas. On les dénombre à peine. Ils œuvrent camouflés dans les jungles urbaines, dans les champs désertés, dans les territoires perdus de la France périphérique. Ils sont d’une grande discrétion car ils pissent dans des violons. Ils ont pourtant de véritables convictions ! Ils savent ce qu’ils ne veulent pas… avec une grande précision.
Est-ce une révolte ? Non, Sire, c’est une révolution. Alors, cette armée des ombres se mobilise. Ses forces ne font que croître. Quelle panique dans le poulailler peuplé d’orfraies effarouchées et de colombes virginales, À vrai dire, l’idéal de ces marginaux se réduit à peu de chose : que leurs votes soient considérés en tant que voix exprimées. Alors, les fausses majorités pourront être invalidées… et tout sera à recommencer.
Le vote obligatoire ? Volontiers, à condition que les armées blanches soient reconnues en tant que force constituée. On ne peut être enrôlé contre son gré dans une armée mexicaine.
Un délicat penseur populaire non identifié, obsédé par la chose ou dégoûté de la chose, a déclaré avec un humour plutôt trivial mais néanmoins imagé : « Se rendre dans un bureau de vote pour glisser un bulletin blanc dans l’enveloppe, c’est comme aller à une orgie sans enlever son pantalon. On est toujours considéré comme un voyeur non participant. »
Pourtant, en ces temps troublés où les calamités moyenâgeuses resurgissent avec la puissance d’une alchimie ayant pour ingrédients toxiques la mondialisation et la médiatisation, il faudra faire preuve de volonté, voire de courage, pour se rendre vers les urnes au lieu d’aller à la pêche. « Les bureaux de vote seront désinfectés, de l’isoloir aux stylos… en passant par les listes communautaires. » Le virus de la chauve-souris chinoise aura bon dos. Minuscule bouc émissaire, il sera bien utile aux analystes politiques pour nous expliquer que le taux d’abstention était dû à la désaffection de citoyens plus angoissés par l’infection que démotivés par les élections.
Alors, afin de compenser l’absence des hypocondriaques, n’est-il pas temps de reconnaître tous ces trublions qui brandissent le drapeau blanc afin qu’ils puissent entrer, eux aussi, dans la ronde républicaine ? Même s’ils viennent voter masqués pour des raisons qui leur sont propres.
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