Parmi toutes les idéologies qui mènent notre société libérale avancée, celle du transport en commun provoque des dégâts urbains dont nous commençons à peine à percevoir les effets. À l’instar du Paris de madame Hidalgo, toutes les villes de France s’emballent pour cette nouvelle folie, au prix de sommes et de nuisances pharaoniques.

Entendons-nous bien : les transports publics sont nécessaires. Dans des métropoles aussi peuplées que la région parisienne, comment se déplacer et travailler sans métro, RER, trains de banlieue ? Toute une catégorie de la population française en est dépendante et il ne s’agit pas de la mépriser. Mais entre la nécessité et l’exclusivité, la marge est énorme. Et les politiques actuelles sont exclusives.

C’est ainsi que nos villes sont de plus en plus envahies par des lignes de bus à l’utilité douteuse, auxquelles des rues entières sont réservées. Les commerçants s’en plaignent, à raison, parce que transformer une voie de circulation en boulevard à bus entraîne mécaniquement une baisse de fréquentation commerciale et une dégradation de la qualité urbaine. Mais, non contentes d’interdire la circulation automobile, certaines communes développent ce que les technocrates appellent des bus "à haut niveau de service". C’est-à-dire des bus en site propre, dont la voie, démesurément large, occupe la majeure partie de la chaussée, et dont les véhicules déclenchent à distance les feux tricolores. Le résultat de cette idée géniale est immédiat : des bouchons incessants, la saturation des voies parallèles et une pollution inconnue jusque-là. Des bus à haut niveau de bouchons.

Parce que, bien entendu, tout cela est fait pour l’environnement ! Il s’agit de "réduire la pollution automobile". Les bobos qui circulent à vélo n’ont sans doute jamais monté une côte derrière un bus de vingt tonnes qui dégage une malodorante fumée aux relents d’huile de friture, à cause du colza utilisé pour fabriquer son carburant. Quant aux embouteillages créés par la multiplication des priorités aux transports en commun, ils dégagent une pollution atmosphérique dont seuls les idéologues ne semblent pas avoir conscience. Et ne parlons pas des perspectives urbaines défigurées par ces autoroutes réservées. Combien de boulevards plantés d’arbres disparus à jamais ?

Il y a, dans cette folie, un vieux relent inconscient de marxisme : l’automobile est, pour ces gens-là, un espace de liberté intolérable. Et le peuple doit être transporté collectivement. On pourrait rétorquer qu’il n’y a pas plus populo que la bagnole. Mais le peuple doit être soumis à une discipline collective. Qu’il pense collectivement, qu’il se déplace collectivement. Tout le contraire de la sacro-sainte liberté. Seules les élites ont droit aux déplacements individuels. Élites technocratiques et administratives, s’entend. Pas question, lorsqu’on bâtit un nouveau palais de justice, de prévoir des places de stationnement, sauf pour les fonctionnaires.

Alors, vive le bus ! Pour la mère de famille nombreuse qui fait son plein chez Carrefour. Pour le client d’Ikea qui rapporte un meuble à monter. Pour le médecin qui fait des visites. Pour l’avocat qui court d’une juridiction à une autre. Pour la retraitée qui va rendre visite à ses petits-enfants à la campagne. Pour tous ceux qui, à l’évidence, ne peuvent pas se passer de voiture, vive le bus quand même. Et s’ils ne sont pas contents, tant pis pour eux. Lorsqu’elle aura reconquis la mairie, l’opposition, quand elle existe, n’y changera rien. D’ailleurs, elle ne le pourra pas, puisqu’elle accepte que les communes soient dépouillées de leurs pouvoirs au profit des intercommunalités non élues qui, désormais, décident de tout dans nos villes.

Et voilà comment, au nom de la morale verte, on détruit nos villes et nos libertés.

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06 août 2017 à 23:49

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