Violences sur les stades : et si les supporters en voulaient juste pour leur argent ?

LOSC, PSG… Je vous le dis tout de suite, je ne connais strictement rien au foot. Je n’en sais que ce que nous martèlent les médias à longueur de semaine. Comme ces longues heures d’antenne entièrement consacrées au dieu Neymar qui s’est fissuré le cinquième métatarse du pied droit et pour qui toute la planète retient son souffle. Un mec acheté 222 millions d’euros l’été dernier, qui en gagne trois par mois et dont on nous dit qu’il fait le foiridon parce que personne n’ose le remettre à sa place (celle d’employé), même si c’est le mieux payé du monde. Dont on nous dit aussi que des tractations seraient en cours avec le Real Madrid pour le revendre. On avance la somme de 400 millions d’euros. Une bagatelle.

Voilà pour les paillettes. Et puis il y a l’autre côté, moins glorieux, plutôt bière-merguez que Porsche et champagne. C’est à Lille où, samedi soir, des "supporters" en colère sont descendus sur la pelouse pour s’en prendre à leurs joueurs. C’était à l’issue de la rencontre de Ligue 1 du LOSC contre Montpellier.
On avait vu déjà, à maintes reprises, des supporters se casser la gueule au milieu des tribunes, des arbitres se faire sonner les cloches ou des joueurs se castagner dans les vestiaires, mais des supporters descendre sur le terrain pour une conversation vigoureuse avec leurs stars locales, c’est, paraît-il, du jamais-vu.

Le milieu est "consterné". "C'est la surprise, la désolation. Moi, ça me sidère", dit le patron du club. Interrogée depuis Pyeongchang où elle assiste aux Jeux paralympiques, notre ministre Laura Flaissel a affirmé sa volonté de vouloir "rééduquer les supporters".

Eh bien, voyez-vous, moi qui n’y connais rien, comme je vous l’ai dit plus haut, je me demande, du haut de mon ignorance, s’il ne faudrait pas plutôt rééduquer le monde du foot, en commençant par la tête. D’ailleurs, à bien y regarder, c’est un peu ce que dit le ministre : nous allons "réunir toutes les instances, mettre tous les acteurs autour de la table, […] travailler avec l’instance nationale de supportérisme pour remettre la sécurité au cœur du problème, le sport au cœur des instances sportives et rééduquer les acteurs, les supporters".

Cet univers, pour ce qu’il laisse apparaître aux individus dans mon genre, est le plus pourri qui soit par le fric. On y brasse des sommes stratosphériques, on y déifie des individus gâtés jusqu’à l’os, et pour un George Weah devenu président du Liberia, combien semblent n’avoir pour autre horizon que les bagnoles, les boîtes de nuit et les call-girls ? Alors…

Alors, se dit le petit peuple des tribunes, on aimerait bien en avoir pour notre argent. Nous, les besogneux du RSA, les smicards qui nous ruinons pour acheter les billets et les maillots, qui venons match après match nous exploser la voix pour soutenir l’insoutenable, on voudrait juste un peu de retour sur investissement. Du beau jeu, au moins, si ce n’est du succès, de quoi espérer, rêver peut-être…

On me dira que le tapage autour d’un Neymar n’a rien à voir avec ça, que l’ombre du dieu brésilien parti se faire opérer aux frais de la Sécu française ne plane pas jusqu’à Lille. Pas si sûr. Et le communiqué du club des supporters du LOSC me conforte dans cette analyse :

"Ces événements sont la suite logique et inexorable du flou financier entourant le club et de l’investissement personnel irrégulier ou inexistant de la majorité des joueurs. L’action de samedi est une réaction de contestation, excessive sur certains aspects, mais sincère et spontanée. Après tout le soutien, sûrement trop long, dont les joueurs et la direction ont bénéficié ils méritaient amplement de se faire secouer."

On a transformé ce sport en un commerce mafieux, il ne faut alors pas s’étonner s’il en adopte les règles.

Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

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