USA : ce chanteur de country inconnu devenu la star de la droite populiste

image chanteur country

Il y a encore quelques semaines, personne n’avait entendu parler d’Oliver Anthony. Fin août, sa chanson « Rich Men North of Richmond » a pourtant pulvérisé le Top 100 américain avant de servir d’introduction au premier débat de la primaire républicaine. Un passage fulgurant de l’ombre à la lumière qui s’explique moins par les qualités musicales de l'œuvre que par la thématique anti-establishment des couplets : ils décrivent la vie morne et difficile des travailleurs pauvres et dénoncent « ces hommes riches au nord de Richmond » qui « veulent tout contrôler ».

Dans le viseur du chanteur vedette, les élites de Washington, les assistés qui profitent du système et tous ceux qui remettent en cause la liberté d’expression au nom de la doxa woke. De quoi susciter les plus grandes inquiétudes des maîtres censeurs qui ont immédiatement vu dans ce succès inattendu le danger d’une alliance entre les « idées d’extrême droite » et le divertissement grand public.

« Même si les théories du complot fleurissent depuis longtemps dans les médias et les podcasts conservateurs, ce moment de croisement est significatif », a doctement affirmé un « expert » au Washington Post après s’être livré à une exégèse savante et soupçonneuse des paroles de la chanson.

Désigné comme le porte-étendard musical d’une extrême droite populiste pro-Trump, Oliver Anthony a prudemment pris ses distances avec la polémique qui agite les médias des deux bords et indiqué sur sa page Facebook que sa chanson visait tout autant les politiciens démocrates de Washington que les conservateurs qui débattaient le soir de la primaire des républicains. « Bien que Biden soit certainement un problème, les paroles ne frappent pas exclusivement Biden, c’est plus grand et plus large que ça. Cela frappe le système collectivement », a-t-il précisé.

Il se décrit lui-même comme quelqu’un qui n’a jamais voulu être musicien mais qui a écrit des chansons parce qu’il souffrait de dépression. Âgé de trente et un ans, il dit avoir travaillé à l’usine jusqu’au moment où, en raison d’un accident, il a dû s’arrêter et changer de travail. Un emploi commercial l’a alors conduit à côtoyer « des dizaines de milliers d’autres cols bleus sur les chantiers et dans les usines ». D’après lui, des gens ordinaires, « fatigués d’être négligés, divisés et manipulés ».

« Tout comme ceux qui erraient autrefois dans le désert, nous nous sommes éloignés de Dieu et avons laissé de fausses idoles nous distraire et nous diviser, ajoute-t-il avec des accents bibliques. C’est vraiment dommage. » Il déplore le déclin du « plus grand pays du monde ».

L’obscur chanteur de country est ainsi devenu, sans le vouloir, le symbole d’une Amérique rurale oubliée. Trop blanche, trop chrétienne et bien trop mal-pensante pour le petit monde des élites urbaines éveillées. En janvier dernier, le New York Times avait publié une longue analyse sur cette fracture géographique qui s’amplifie et cette Amérique périphérique vieillissante qui penche à droite et se considère comme négligée et méprisée.

« Ce manque de respect, notait un politologue cité par le New York Timesest ressenti de manière plus aiguë par le fait que les institutions culturelles dominantes, y compris les médias de masse, sont principalement urbaines par leur emplacement et leur orientation. Les petites villes et les zones périphériques se considèrent comme incomprises et mal décrites par ces médias, et jugées déconnectées et rétrogrades par les populations urbaines. »

La production musicale de l’été 2023 ne risque pas de combler le fossé entre ces perceptions réciproques. Début août, quelques semaines avant la sortie de « Rich Men North of Richmond », une autre chanson a elle aussi atteint la première place du Top 100 et déclenché une vive polémique. « Try That in a Small Town », de la star country Jason Aldean, a été fortement critiquée pour son clip vidéo : il montrait des images d’agressions violentes et d’extrémistes de gauche insultant la police mais aussi, avant de les effacer, des extraits de manifestations de Black Lives Matter. Le message accompagnant ces images a le mérite de la clarté : « Un c… frappe quelqu’un sur un trottoir, "carjacke" une vieille dame à un feu rouge […], insulte un flic, lui crache au visage, piétine le drapeau et y met le feu […], Eh bien, essayez ça dans une petite ville, voyons jusqu'où vous parviendrez sur la route. »

Très vite censuré par les réseaux musicaux mainstream, le titre a été défendu par Donald Trump et de nombreux édiles républicains. « Remarquez ce qui est annulé : pas les chansons explicites qui chosifient les femmes, glorifient la drogue et attaquent la police, mais une chanson honnête sur la vie actuelle en Amérique », a tweeté Kelly Loeffler, l'ancienne sénatrice républicaine de Géorgie, l’État d’origine du chanteur.

Dans ce contexte de tensions sociales et de guerre culturelle, la musique, outre-Atlantique, semble adoucir de moins en moins les mœurs.

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Frédéric Martin-Lassez
Chroniqueur à BV, juriste

Vos commentaires

7 commentaires

  1. Les excès du wokisme finiront peut-être par le détruire. De plus en plus d’Américains semblent, eux aussi, avoir un rêve, « make América great again », comme le disait un certain…Trump!

  2. Cela ressemble à la polémique sur la chanson de Sardou ; « les lacs du connemara », et une certaine Julette Armanet qui a voulue se croire grenouille plus grosse que le boeuf ! Derrière cela ,la bobo qui tacle les gens qui aiment la culture populaire . Des gens souvent issus de la France périphérique , même catégorie que ces petits blancs de l’amérique profonde méprisés par cette caste de dangereux propagateurs de haine raciale , sociale , et sociétal qui appliquent à la lettre cette dictature des minorités qu’est le mouvement woke.

  3. @ Frédéric Lassez
    Cher Monsieur, Merci pour vos excellents articles que je partage régulièrement avec mes proches.
    Vous décrivez à merveille l’inquiétant déclin américain et l’angoissante similitude de ce déclin avec celui de notre malheureuse France ! Puissent nos compatriotes en prendre conscience.

  4. les américains se réveilleraient-ils? je dirais  » enfin  » ça va peut-être faire boule de neige et dégager les démocrates du pouvoir ! il n’y a plus qu’à espérer !!

  5. En France comme aux usa, la liberté d’expression roule à deux vitesses interdit aux opposants d’un système corrompu de se manifester.

  6. Le réveil de l’Amérique ? celle qui travaille et a fait sa grandeur il y a quelques décennies ?

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