[Une prof en France] Quand tout va mal, vite, une nouvelle « bonne idée » !

usine à gaz

L'Éducation nationale, c'est un peu le concours Lépine des usines à gaz. Il doit y avoir un service spécial occupé exclusivement à l'élaboration de projets pourris, dont les agents les plus zélés touchent une prime lorsqu'ils ont une idée vraiment bancale.

La nouvelle bonne idée du pontife Ndiaye est de faire collaborer les instituteurs et les professeurs de collège pour « construire une nouvelle 6e ». Le constat ? À l’entrée en 6e, 27 % des élèves n’ont pas le niveau attendu en français, près d’un tiers en mathématiques. À peine un élève sur deux sait lire un texte avec aisance et la dégradation de l’orthographe est devenue préoccupante. C'est sans appel. On se dit que quand les instituteurs livrent des élèves présentant de telles lacunes, la priorité serait peut-être de les former pour qu'ils reviennent à des méthodes qui marchent, et de supprimer du primaire tout ce qui ne sert à rien et fait perdre un temps fou aux apprentissages fondamentaux. Mais ça, ce serait une idée de bon sens. Dans l'Éducation nationale, on a mieux que le bon sens, on a les bonnes idées ! Alors, ils se sont dit que vu que les instituteurs n'arrivaient visiblement plus à apprendre à lire aux enfants, on allait les faire travailler en 6e : « Dès septembre 2023, des professeurs des écoles interviendront en classe de 6e pour favoriser la transition entre l’école et le collège et soutenir l’apprentissage des savoirs fondamentaux », ceux-là mêmes qu'ils n'ont pas réussi à transmettre en huit ans de primaire.

Dans mon collège, c'est l'effervescence. Au milieu du tourbillon habituel de la fin d'année approchante, avec la multiplication des brevets blancs, des attestations scolaires de sécurité routière (ASSR), des conférences en tout genre allant de l'hygiène à la sécurité en passant par la nutrition - l'école est vraiment polyvalente, aujourd'hui… -, on vient de nous apprendre que nous étions volontaires pour cette expérimentation. Stupeur ! Lors de toutes les réunions préparatoires, tous les professeurs, de quelque discipline que ce fût, avaient exprimé leurs réticences face à ce projet mal bordé, dont personne ne pouvait nous expliquer ni l'utilité réelle ni les modalités de mise en œuvre pratique. Dans l'équipe de lettres, nous avions même formulé un refus catégorique. On nous parlait de plusieurs professeurs intervenant en même temps devant une classe, en collaboration avec les instituteurs. Bel et bon. Mais on manque déjà cruellement de professeurs… Et qui s'occupera des élèves des instituteurs quand ils seront devant des élèves de 6e qu'ils ne connaîtront pas ? Réponse floue. Et dans quelles matières interviendront-ils ? Et pour faire quoi ? Réponse floue. On nous refile la patate chaude en nous expliquant que « notre créativité saura s'approprier ces temps de remédiation et d'approfondissement des fondamentaux »… Ils nous font confiance « pour inventer une nouvelle pédagogie et sortir des cadres ». Malheureusement, la langue de bois ne suffit pas à tenir une classe. Cela me rappelle Jean Gabin qui râlait après les scénaristes truffant leurs dialogues de points de suspension : « Alors, faut les meubler, les points de suspension… » C'est ce que l'on nous demande, en somme, meubler les innombrables points de suspension des projets du ministère, mal ficelés, mal pensés et très vagues. 

Donc, nous avons tous dit « non », séparément, lors de chacune des réunions consacrées au sujet. Et quand tous ces « non » sont passés par la moulinette de l'administration, c'est devenu un volontariat enthousiaste dont le rectorat nous a chaleureusement remerciés. Et il y en a encore qui ne croient pas à la magie ? 

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 10/04/2023 à 18:57.
Virginie Fontcalel
Virginie Fontcalel
Professeur de Lettres

Vos commentaires

38 commentaires

  1. J’ai des suggestions pour ce sinistre imbécile :
    1 – mettre une épreuve Français avec orthographe et grammaire au concours de recrutement des instituteurs et professeurs…(mais ne pas s’étonner s’il y a encore moins de reçus parmi les rares candidats , qu’actuellement).
    2 – première année de la formation des profs = une année d’étude de l’orthographe, la grammaire, le Français avec examen qualifiant à la fin (concours).
    3 – supprimer l’école.
    On parie que celle qui lui plairait est la 3 mais sans supprimer son ministère ? (La mode est aux emplois fictifs, non?)

  2. Le nivelage vers le bas est imposé par la discrimination positive et la submersion migratoire.
    La seule solution est le travail extrascolaire.
    Il revient désormais aux parents d’instruire leurs enfants en plus de les éduquer, « l’éducation » nationale, n’est plus qu’une mauvaise garderie politisée et dangereuse, dans laquelle vos enfants expérimenteront la violence, la drogue, le harcèlement… Mais qui permettra de travailler aux deux parents du foyer pour payer… L’éducation nationale.

  3. « Et quand tous ces « non » sont passés par la moulinette de l’administration, c’est devenu un volontariat enthousiaste dont le rectorat nous a chaleureusement remerciés. ». Ca ne vous rappelle pas un certain référendum de 2005 avec un NON, qui n’a pas été suivi d’effet ? Suivez mon regard….

    • Toute ressemblance avec le référendum de 2005 est parfaitement correcte. L’histoire de l’Education nationale est truffée de ce genre de fausse adhésion. Il reste aux enseignants courageux à garder force et conviction pour poursuivre leur tâche selon leurs convictions. Ils auront besoin de nos encouragements.

  4. J’ai envi de dire que ce genre d’initiative pourrie , je saurais faire et sans compétence aucune ! Mais comme toute personne sensée qui n’a pas d’idée saugrenue à proposer pour faire le buzz et exister , je proposerais un truc qui a déjà parfaitement marché depuis des générations d’élèves : l’apprentissage des fondamentaux et point barre ! Comme vous le dites parfaitement, comment faire en un an , ce que l’on n’a pas acquis en 8 ? Ceci est une façon de masquer l’échec des précédentes réformes de l’enseignement qui elles mêmes n’ont pas marché, puisqu’il faut en inventer de nouvelles ! Mais il faudrait une fois pour toute arrêter de se mentir ; quels sont les élèves qui posent problème, qui ont du mal à intégrer les fondamentaux, parce que leurs parents, pris dans les affres de la religion radicale , freinent des deux pieds pour empêcher leurs enfants de devenir des petis français comme les autres ? Ces enfants sont dans un dilemme, tout comme la société qui refuse de voir et dire les choses ! Dans les années 60 , j’avais des petits copains magrhébins qui étaient bien meilleurs que moi en dictée de français . Pourquoi aujourd’hui tout devient un problème ? Est-ce que l’on ne se crée pas nos propres problèmes ?

  5. On ne doit plus dire « l’éducation nationale », mais « l’Abrutissement National » !
    Tout est fait pour réduire à néant le cerveau de nos chères têtes blondes, mais pas seulement.
    Dieu sait qu’il m’arrive de faire des fautes d’orthographe ne me relisant pas, ou mal, le tout aidé d’une dyslexie qui a la vie dure…
    Mais quand je lis ici où là, c’est-à-dire de manière générale, « ici » n’étant pas BV, je suis catastrophé par le niveau de connaissances des jeunes générations, et pas uniquement en français, l’orthographe étant officiellement inclusif, la syntaxe absente, la ponctuation inexistante… Une catastrophe.
    Aussi, ce n’est pas sur le « pontife Ndiaye », qu’il faille compter pour sortir « LA » grande idée de sa tiare.

  6. chaque ministre y va de sa réformette dans un ministère administrativement hypertrophié dans lequel la justification d’exister s’exprime par des idées foireuses. La dernière du « ministre » en place est des plus savoureuses : permettre aux professeurs des écoles d’aller renforcer les professeurs de collèges. Travailler plus pour gagner plus, ça sent l’idée foireuse, on espère dans les chaumières que ce seront des heures sup net d’impôts. Mais de quel raisonnement tordu est venue cette idée stupide? Monsieur le ministre optez pour des objectifs : par exemple un niveau minimal en français et en mathématiques pour entrer au collège et écoutez un peu les enseignants : cessez de rajouter des sujets à aborder : qui une demi-heure de sport par jour (sans téléphone portable?), qui un brevet de bonne compréhension du code de la route ( il faut d’abord savoir lire), etc. Soyez exigeant, visez l’excellence pour tous, abandonnez l’égalitarisme sectaire et surtout ayez de la CONSIDERATION pour les enseignants et posez vous la question : pourquoi je ne parviens pas en recruter en nombre suffisant. Enfin puisque vous êtes en charge de l’instruction publique : trouvez les bonnes réponses et mettez les en œuvre, ça nous changera.

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