Un gynéco qui pratique une IVG est-il un tueur à gages ?

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Mercredi, lors de son homélie, commentant le « Tu ne tueras pas », le pape François a dit, à propos de l'avortement, qu'on ne supprimait pas une vie humaine pour "résoudre un problème". Il a même ajouté : "Est-ce que c'est bien de payer un tueur à gages pour résoudre un problème ?"

À mon avis, il aime bien faire péter les plombs. Et jamais aux mêmes…

Il avait déjà dénoncé cette « culture du déchet » qui nous fait supprimer ce que nous ne désirons pas et dénoncé l’« eugénisme en gants blancs ».

Mais là, il a mis le feu dans toutes les rédactions.

Sur Europe 1, Jean-Michel Aphatie dénonce « l'éternelle et épaisse misogynie commune à beaucoup de religions » qui vise à « enfermer à nouveau les femmes dans leurs corps. Elles en étaient prisonnières et l'IVG les a libérées. »

Sur RTL, ça décoiffe Alba Ventura encore plus que d’habitude, ses cheveux semblant se dresser sur sa tête quand elle proteste : « Le pape n’était pas obligé de cogner aussi fort », « utiliser le terme de “tueur à gages”, c’est désigner à la vindicte, non pas populaire mais extrémiste, des gynécos, des infirmières, qui font leur métier ».

Mais est-ce bien sûr ? Infirmières et médecins pensent que leur métier est de soigner. Ils enlèvent volontiers une tumeur mortelle pour le patient. Ils pratiqueront une interruption de grossesse si la vie de la mère est en danger. Mais débarrasser la femme - et souvent l’homme, qui est demandeur - d’un enfant à naître car il est adultérin ou non souhaité n’est pas forcément ressenti comme « leur travail ».

Être payé pour cette besogne pourrait même les inciter à penser qu’ils sont, en effet, « tueurs à gages ».

C’est comme le fameux « Nos ventres sont à nous ». C’est vrai du ventre d’un homme ou d’une femme non enceinte. Mais la grossesse introduit dans le corps de la femme un autre être vivant. Tous ses caractères génétiques, de la couleur des yeux à la sonorité de son rire ou de sa voix, sont déjà inscrits dans l’embryon. Son cœur bat bien avant la douzième semaine, et toute femme à laquelle le médecin fait entendre ce battement a bien du mal à prendre la responsabilité de l’arrêter.

Un jour, on jugera aussi sévèrement l’exercice quotidien de l’avortement dans nos sociétés qu’on juge aujourd’hui la pratique généralisée, pendant de longs siècles, de l’esclavage.

Reste qu’il est impossible d’imposer à la femme la terrible angoisse d’une grossesse non accueillie. Le pape le sait. Aussi son propos, qui vise à mettre en balance la gêne que provoque l’annonce d’une grossesse et la vie de l’enfant à naître, n’est-il pas adressé non seulement à elle, mais aussi à l’homme qui refuse d’accepter ce « problème » survenu dans sa vie et trouvera bien commode que l’État organise et rembourse l’acte médical qui va l’en libérer.

Si le pape ne porte pas cette parole, qui la portera ?

Le Christ n’a-t-il pas dit « Ce que vous aurez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’aurez fait » ? Dieu est donc, chaque jour, en Occident, tué dans le sein de sa mère.

Le pape peut-il laisser faire et se taire ?

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Catherine Rouvier
Docteur d'Etat en droit public, avocat, maitre de conférences des Universités

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