En langue vernaculaire, ça s’appelle « acheter les bulletins de vote » ; en wolof administratif, une « indemnité inflation ». Ainsi 38 millions de Français recevront-ils, bientôt, un chèque de cent euros, à condition qu’ils n’en touchent pas plus de deux mille nets par mois, soit le salaire médian des Français. Cent euros pour quelques voix ? C’est peu et beaucoup à la fois. Ça laisse même sans voix.

Et Jean Castex, à qui décidément rien n’échappe, de déclarer : « La question de l’inflation ne concerne pas que l’essence, nous devons avoir une approche plus large. » Cent euros, donc ; soit le prix d’une cartouche de cigarettes ou d’un gros plein. Cela suffira-t-il à prévenir, tel que redouté par l’Élysée, un éventuel retour des gilets jaunes, « ces gars qui fument des clopes et roulent au diesel », pour reprendre les mots fameux du fumeux Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement d’alors ? Le tout, c’est d’y croire.

Coût de ce petit cadeau ? 3,8 milliards d’euros. Après avoir longuement cogité sur la création d’un « chèque carburant », dont « la définition des critères relevait du casse-tête », nous dit Le Figaro de ce 22 octobre, Matignon a aussitôt évacué l’autre scénario possible consistant en une baisse de la fiscalité. Cinq centimes d’euro de moins de taxes sur le litre de carburant n’auraient pourtant coûté chaque année à l’État que 2,5 milliards d’euros. C’était manifestement trop. Et puis, il ne faudrait tout de même pas que ceux qui nous gouvernent prennent de mauvaises habitudes : faire des économies et consentir aux efforts financiers qu’ils nous imposent, par exemple.

En revanche, le mérite qu’on ne saurait dénier à cette mesure est d’avoir suscité une quasi-unanimité : la plupart des formations politiques de l'opposition sont contre. Comme quoi Emmanuel Macron et Jean Castex sont encore capables de réunir les Français.

Pour Marine Le Pen, « l’indemnité annoncée pour la fin d’année par Jean Castex ne répond pas à la détresse des Français pour payer leurs factures. Seule la baisse de TVA sur le gaz, l’électricité et les carburants permettra de soulager le pouvoir d’achat de tous les ménages avant l’hiver. » Ça, au moins, c’est clair.

Semblable son de cloche chez Damien Abad, président des Républicains à l’Assemblée nationale : « Acheter la paix sociale avec des chèques cadeaux, c’est bien. S’attaquer aux causes de la hausse des prix du carburant, gaz, électricité, alimentation, c’est mieux. Gouverner, ce n’est pas faire des chèques à crédit, c’est apporter des solutions durables. » Voilà qui n’est pas faux non plus.

Quant à Fabien Roussel, candidat communiste à la prochaine élection présidentielle : « Une mesure qui soulagera un peu les Français mais le compte n’y est pas ! Des trous dans la raquette, du court terme et pas touche aux profits des compagnies pétrolières. Les Français veulent une baisse durable des prix, la hausse des salaires et des retraites. » Et celle des résultats électoraux du PCF ? Peut-être pas.

Assez logiquement, ceux que l’on n’entend guère sont le Parti socialiste et les Verts, partis à la course à l’échalote consistant à savoir qui des deux lavera le plus vert. Car le carburant, fioul pour se chauffer ou super sans plomb pour se déplacer, ils sont contre par essence. D’ailleurs, s’ils avaient un peu plus de plomb dans la cervelle, ils comprendraient peut-être que si ces millions de Français vivant loin des grandes villes sont tenus d’avoir deux voitures par foyer, d’abattre des dizaines de kilomètres par jour pour aller travailler, faire les courses, amener et ramener les enfants à l’école, ce n’est pas forcément par plaisir.

Certes, ils pourraient faire tout ça de manière plus écoresponsable : rapporter un plein Caddie™ et trois gamins sur une trottinette électrique tout en rentrant à la maison avec la caisse à outils en bandoulière ? Même pas. S’ils étaient moins mesquins, ces gueux pourraient tout de même faire un petit geste pour la planète.

 

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22 octobre 2021 à 18:32

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