Catherine Colonna

Une faille temporelle. À la lecture de la première interview accordée par le ministre des Affaires étrangères et publiée par Libération, le 4 août dernier, on se dit qu'il s'agit de la meilleure explication. Catherine Colonna est restée bloquée en mars 2022, au tout début du conflit ukrainien.

Évoquant les sanctions à l’égard de la Russie, elle affirme en effet : « Elles affectent fortement l’économie russe et vont avoir un impact croissant, puisque la réduction de notre dépendance aux hydrocarbures russes et possiblement au gaz compliquera très fortement la poursuite de l’effort de guerre de la Russie. Nous nous réservons la possibilité de renforcer cette politique de sanctions. »

Il faudrait que ses collaborateurs la rapatrient rapidement en août 2022 afin de lui expliquer que non seulement les sanctions sur les hydrocarbures n’ont pas affaibli la Russie mais que, bien au contraire, elles l’ont enrichie ! Ils lui feront également part du fait que plus personne, en Europe ni aux États-Unis, n’a encore dans l’idée de « renforcer cette politique », puisqu’elle est en train de ruiner les économies occidentales.

Lorsqu’elle sera pleinement revenue à elle, ils lui apprendront aussi que la danse du ventre effectuée par Emmanuel Macron devant Mohammed ben Salmane, à l'Élysée, le 28 juillet dernier, n’a pas eu les effets escomptés. Début août, lors de sa réunion à Vienne, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP et OPEP+ qui inclut la Russie) n’a pas annoncé une ouverture des vannes significative. Résultat : les prix ont encore augmenté ! Les Russes se frottent les mains.

Autre information à communiquer d’urgence au ministre : l’espoir d’un isolement de la Russie sur la scène internationale est tombé à l’eau depuis longtemps. Catherine Colonna indique en effet, dans son interview : « On constate que ses partenaires comprennent de moins en moins ses choix. […] Ses plus proches géographiquement, mais aussi les partenaires commerciaux de la Russie. »

On lui conseillera alors de lire les analyses du Monde du 3 août dernier : « Par sa décision, l’OPEP+ démontre qu’elle reste soudée et ménage la Russie, aux intérêts diamétralement opposés à ceux de Washington. » Ou bien de lire les fiches que ses collaborateurs ne manqueront pas de lui faire parvenir concernant la récente rencontre, à Sotchi, entre Recep Tayyip Erdoğan et Vladimir Poutine, qui a abouti à un renforcement de la coopération économique et énergétique entre la Russie et la Turquie.

Autre exemple avec l’Inde, qui n’a pas suivi les directives occidentales et qui, tout au contraire, a considérablement renforcé ses échanges commerciaux avec la Russie depuis le début de la guerre. Moscou devenant même son premier fournisseur de pétrole.

Autre point sur lequel il faudra mettre à jour les informations de Catherine Colonna : la surenchère verbale n’est plus d’actualité. Le ministre déclare, en effet, à Libération : « On est dans une forme de tentative de restauration d’une puissance impériale par les moyens les plus abominables, exactions, viols, crimes de guerre, sans doute crimes contre l’humanité, déportations, tortures, massacres. »

La politique étrangère américaine servant désormais de boussole à la France, on lui indiquera que même Joe Biden a abandonné la politique des anathèmes et des imprécations. À l’heure où Amnesty International reconnaît que les forces armées de Kiev se servent des populations civiles comme bouclier humain, mieux vaut faire preuve de prudence sur ces sujets et éviter une diabolisation unilatérale.

Enfin, le sommet de l’interview est atteint lorsque le ministre donne sa vision de l’avenir et dit qu’il faut « espérer le rééquilibrage des rapports de force avec, d’une part, l’effet des sanctions et, d’autre part, la prise de conscience peut-être par Vladimir Poutine […] que la Russie a fait une erreur stratégique et s’est mise dans une impasse ».

En réalité, ce sont les Occidentaux qui ont commis une erreur stratégique majeure avec les sanctions et qui se sont mis dans une impasse. Il faudra que Catherine Colonna lise la presse étrangère, et notamment le Wall Street Journal qui prédit aux Européens des troubles sociaux à la rentrée avec des risques de renversements politiques. À l’inverse de ses propos totalement anachroniques, le titre de l’article du journal américain, paru le 3 août dernier, a le mérite de bien résumer la situation : « L'hiver en Europe pourrait être le printemps pour Poutine. »

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10 août 2022 à 16:12

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26 commentaires

  1. Je commence à craindre qu’en votant pour que rien surtout ne change dans le confort bourgeois français, les malheureux qui ont voté pour Macron ont justement préparé notre ruine commune.
    Non seulement l’irresponsable qui nous gouverne nous entraîne dans une terrible récession, mais surtout il fait peser sur nos enfants le risque du spectre de la troisième guerre mondiale.

  2. Je vais poser qu’une seule question, quand enfin aurons nous des gens compétents à la tête de ce qui s’appelait autrefois la France. Ces pauvres gens n’ont ni honneur ni pudeur.

  3. Complètement hors sol !. Comment peut on être gouvernés par de tels abrutis . Comment Macron a pu être réélu, ça me sidère !

  4. Cette ministre ne dénote en rien de la longue liste de nos ministres des affaires étrangères, qui se sont signalés par leur sens géopolitique d’asymptotique de zéro. Penser que nous allons abattre la Russie, 34 fois plus grande que la France et dotée de ressources et de moyens dont nous n’avons pas le centième, sans compter la fierté des Russes, relève d’une approche de myope, de la situation. Et c’est bien vite vouloir escamoter la responsabilité de l’Occident et de l’UE dans ce conflit. Les perdants, ce seront les Français et les autres peuples européens.

  5. Comment la France a t’elle pu tomber aussi bas en étant gouvernée par des ministres aussi peu compétents ?
    On est bien obligés d’admettre qu’on est loin de Villepin ou Védrine, ça a commencé à se détériorer quand BHL a remplacé Juppé pour faire son film sur sa guerre en Libye…

  6. Comment ne pas être effrayé de constater à quel point des gens qui sont sensés porter la parole de notre pays peuvent être à ce point dans le déni de la réalité.
    Le plus grave, c’est que l’on doive assister, impuissants, à ce triste spectacle, sans pouvoir rien y faire ni changer.

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