[Tribune] Le sultan, Ursula, Charles, Emmanuel et les autres

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Recep Tayyip Erdoğan a été réélu président de la République de Turquie avec 52,14 % des voix contre son adversaire Kemal Kılıçdaroğlu, qui a obtenu 47,86 % des suffrages. Ce président, fer de lance de l’islam politique, ami des Frères musulmans, va pouvoir poursuivre sa politique néo-ottomane afin d’accroître son influence dans le monde arabo-musulman et la sphère turcophone d’Asie centrale. Il est possible d’en constater les effets dans son soutien à l’Azerbaïdjan dans le conflit du Haut-Karabakh.

Sa réélection a entraîné les habituelles félicitations diplomatiques, mais ce que les usages nécessitent peut toutefois demeurer dans les limites de la retenue. Ce qui a échappé tant à l’Union européenne qu’à Emmanuel Macron. Il est ainsi possible de lire sur le compte Twitter de Charles Michel, président du Conseil européen : « Félicitations au président Erdoğan pour sa victoire. J’ai hâte de travailler de nouveau avec vous pour approfondir les relations entre l’UE et la Turquie dans les années à venir. » Étrange empressement que l’inévitable Ursula von der Leyen a immédiatement suivi : « J’ai félicité Recip Tayyip Erdoğan d’avoir remporté les élections. Je suis impatiente de continuer à développer les relations entre l’UE et la Turquie. Tant pour l’Europe que pour la Turquie, il est stratégiquement important de travailler au développement de ces relations pour le bien de nos peuples » (compte Twitter). Ursula serait-elle impératrice d’Europe ? Il conviendrait de l’informer que le Saint Empire romain germanique a disparu le 6 août 1806. Nous avions déjà vu cette dame en chef d’état-major des armées européennes, voilà qu’elle parle de son peuple ! Outre le ridicule de la posture, ceci témoigne bien de la volonté poursuivie depuis des décennies : fondre les nations européennes dans un empire de la norme et effacer leurs peuples dans ce magma.

Emmanuel Macron ne pouvait être en reste : « Avec le président Erdoğan, que j’ai félicité, nous continuerons à avancer… La France et la Turquie ont d’immenses défis à relever ensemble… le retour de la paix en Europe, l’avenir de notre Alliance euro-atlantique, la mer Méditerranée » (compte Twitter). Là encore, les mots agissent en révélateur : « notre Alliance euro-atlantique ». Si quelques naïfs croyaient encore à l’autonomie stratégique de l’Europe à l’égard des États-Unis, ils ont l’éclairage du Président français sur la question. Il ne s’agit pas de l’alliance mais de notre alliance. Parfaite inclusion.

Tout celà traduit tout à la fois la faiblesse et la naïveté de l’Union européenne à l’égard de la Turquie. Le Conseil européen d’Helsinki de 1999 avait indiqué : « La Turquie est un pays qui a vocation à rejoindre l’Union » et le Conseil européen de décembre 2004 avait, sur l’insistance de Jacques Chirac notamment, ouvert les négociations d’adhésion. Avec un pays qui occupe illégalement le tiers du territoire d’un État membre : Chypre ! L’esprit munichois n’est pas mort.

Depuis, l’Union européenne ne cesse de déverser ses largesses sur la Turquie : 2,4 milliards au titre du chantage aux réfugiés de Syrie et d’Irak sous le vocable de « facilité de l’UE pour les réfugiés », 956,7 millions d’euros pour la période 2020-2022 au titre de la protection civile, sans oublier les fonds de pré-adhésion, d’un montant de 3,8 milliards, déjà versés en 2018 (rapport spécial Cour des comptes de l’UE).

Erdoğan est pourtant celui qui déclarait à Cologne, en février 2008 : « L’assimilation est un crime contre l’humanité » et citait le poète Gökalp, le 12 juillet 2011, devant son groupe parlementaire : « Les minarets sont nos baïonnettes, les coupoles sont nos casques, les mosquées nos casernes et les croyants nos soldats. » Pourtant, à Bruxelles, certains rêvent encore de l’adhésion de la Turquie dans leur obsession que l’Union européenne ne soit pas « un club chrétien ». Et Mme von der Leyen ne s’émeut que pour une histoire de sofa et de préséance : « Erdoğan pense pouvoir tout se permettre parce que l’Europe est prête à tout lui céder » (avril 2021). Étrange lucidité pour une petite question d’ego froissé, ce qui est révélateur du personnage.

Il est dit que lors de la prise de Constantinople, les théologiens discutaient du sexe des anges. L’Union européenne n’en est même plus là. La question est celle du sexe des êtres humains, paraît-il « assigné » par pure convention sociale. « Tout cela finira mal », comme disait Jacques Bainville dans l’entre-deux-guerres.

Stéphane Buffetaut
Stéphane Buffetaut
Chroniqueur à BV, élu de Vendée, ancien député européen

Vos commentaires

12 commentaires

  1.  » Pourtant, à Bruxelles, certains rêvent encore de l’adhésion de la Turquie » Rêve issu des USA. Qui ne risquent pas de sitôt abandonner leurs 3 ou 4 (avouées) bases militaires à proximité immédiate de la Russie. C’est sur ordre de l’OTAN que l’Europe finira par intégrer la Turquie et ce ne sont pas nos dirigeants, plus esclaves que soumis, qui s’y opposeront.

  2. Et nous avons laissé entrer le loup dans la bergerie, la Turquie dans l’Union Européenne. C’est la porte ouverte pour notre invasion islamiste et les terroristes. Il y a aussi les états félons alliés avec la Russie. D’après moi, il faudrait mettre en place un mur à ne pas franchir. Nous restons avec nos alliés et écartons les autres, aucun pays islamiste de notre côté. L’Arabie Saoudite, l’Iran sont avec les russes contre nous, la Turquie joue sur les deux tableaux, donc à écarter.

  3. Le constat est terrifiant : aucun combat ne sera entrepris pour enrayer l’entrisme musulman , la civilisation européenne de racines judéo chrétiennes et de culture gréco latine risque fort de disparaitre à court terme !!!

  4. Tant que cela se passe dans un pays musulman cela doit être pour nous indifférent. Nous avons d’autres chats à fouetter. Il faut ignorer Erdogan, il est dans une autre sphère bien que nous commerçons avec la Turquie.

  5. Brave Ursula, pas rancunière pour un sou…L’on suppose qu’elle a adressé ses félicitations debout, à défaut de siège pour l’accueillir…Bon, l’assimiler au Saint-Empire romain germanique, adversaire acharné de Soliman Ier, va peut-être un peu loin…Ainsi n’en étions nous pas aux félicitations, lors, par exemple, du siège de Vienne ou de la conquête de la Hongrie par ce dernier ! Que voulez-vous, à notre époque de grand combat pour les droits des femmes, nous avons un peu oublié Lépante…

  6. Ce Monsieur tant rempli d’amour et de paix est en droite ligne de l’ancien empire ottoman, la volonté de reconquête brille par sa présence en Europe. Demain, l’union Européen sera l’empire islamique et les bases de la deuxième caserne la plus grande d’Europe est déjà sur le papier source de la gouvernance politique européen présidé par la dame non élue. On peut considérer le problème de l’Arménie, un point noir dans l’empire régionale, est pratiquement réglé.

  7. Notre Président, plus il est insulté, en Algérie, en Tunisie, au Maroc, en Turquie, et au Sahel et dans d’autres Pays, plus il fait des ronds de jambes. A croire qu’il aime cela. Se faire flageller. la France ne sera plus respectée par sa diplomatie.

  8. Décidément, Erdoğan est très courtisé. C’est à celui qui sera le plus empressé. Macron a l’intention de rapidement élargir l’Union européenne. Ça sent mauvais, très mauvais. Quant à Dame Ursula, n’y a-t-il personne pour la remettre à sa place ?

  9. La Turquie combien de troupes d’occupation (migrants) implantées en Europe ? Cet empressement à féliciter le « Grand Turc’ témoigne de la faiblesse et de la peur , la soumission est bien là.

  10. Ils sont entrain de tendre notre cou à notre pire ennemi. Malgré leurs nez de Pinocchio, ils ne voient pas plus loin que lui. Traitres et incompétents.

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