[Tribune] Jubilé : Que Dieu sauve la reine !

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L’air du God save the Queen viendrait tout droit de l’Institut de Saint-Cyr fondé par Madame de Maintenon et aurait été écrit pour Louis XIV relevant de maladie. L’hymne a traversé la Manche et incarne désormais la monarchie britannique.

À l’occasion de ses soixante-dix ans de règne, Élisabeth II est fêtée par son peuple et, au-delà, par le monde entier. Car elle incarne le devoir dans un monde où l’on veut nous faire croire que seuls importent le choix individuel immédiat, le caprice du consommateur, le confort de l’égoïsme. Le tout avec une petite pointe d’aigreur envieuse pour tout ce qui nous dépasse moralement ou matériellement. Et, malgré tout, ce sens du devoir étonne et force l’admiration des blasés et des cyniques.

En 1947, la jeune princesse Élisabeth prononce sa première allocution radiodiffusée : « Je déclare devant vous que durant ma vie entière, qu’elle soit longue ou courte, je serai dévouée à votre service et au service de la grande famille impériale à laquelle nous appartenons tous. » Le cours de l’Histoire est passé, l’Empire est devenu le Commonwealth, les colonies des États indépendants, mais l’esprit demeure : servir. Elle a servi, à travers les épreuves, la guerre, la mort prématurée du roi son père, les chagrins personnels, les crises économiques, la récente crise sanitaire, la mort de son époux. « Never explain, never complain. » Dans une époque qui dégouline d’émotion poisseuse et sélective, ce sens de la retenue, de la dignité surprend. Et, là encore, conduit au respect.
En juin 2017, la reine lit le discours du trône, qui est celui de son Premier ministre Teresa May, favorable au Brexit qu’elle négociait. La reine porte une tenue bleue et un chapeau orné de fleurs jaunes qui pouvait évoquer l’emblème européen. Certains y voient un message favorable à l’Union européenne. L’explication était sans doute plus simple : la reine est la reine de tous les Britanniques, pour ou contre le Brexit. Il ne lui viendrait pas à l’esprit d’avoir « envie d’emmerder » une partie de ses sujets.

Alors que le royaume est figé par le confinement imposé par la pandémie de Covid, la souveraine s’adresse à son peuple en un court discours rédigé par elle. En quelques mots, tout est dit : le courage, le rappel aux épreuves passées endurées par le peuple britannique, l’espoir et la certitude d’un retour à une vie normale de relations amicales, familiales et sociales. Le ton est celui de l’empathie, de la profondeur et de l’espérance. Loin du pathos guerrier et des injonctions contradictoires du gouvernement de la République française.

La souveraine, dont l’âge réduit la mobilité, s’aide de la canne de son mari. Ici encore, voici un message de tendresse et d’affection qui signifie, dans une société où la désagrégation familiale - qui a touché sa propre famille - semble passer pour la contrepartie de la liberté individuelle, qu’il y a quelque chose de plus grand encore : l’amour mutuel des époux à travers le temps et les épreuves.

Emmanuel Macron a offert en cadeau à la reine un cheval de la Garde républicaine. Faut-il y voir une facétie de gamin mal élevé ? Certes, l’animal est d’une grande beauté et la reine aime passionnément les chevaux, mais avec notre Président, il faut s’attendre à tout. Évidemment, on ne saurait comparer un Président élu par une partie des Français et un monarque qui incarne la nation, son Histoire, son être même. Le Président, qui n’est finalement qu’un chef de bande, gouverne pour ceux qui l’ont élu. La reine règne pour l’ensemble de son peuple.

Il existe de nombreuses monarchies, en Europe. Parmi elles, la Couronne britannique impressionne plus que toute autre. Peut-être le faste y est-il pour quelque chose ? Mais il y a plus profond. Élisabeth II est la seule souveraine à être réellement sacrée, ointe du saint chrême. C’est devant Dieu et de par Dieu qu’elle tient son autorité et que pèse sur ses épaules le poids de ses devoirs. Cette verticalité est d’une bien autre nature que les combines politiciennes ou les faveurs électorales. Les esprits vulgaires peinent à le comprendre. Une image dit tout. La jeune reine débarquant de l’avion qui la ramène du Kenya, lors de la mort de son père, trouve son gouvernement au pied de la passerelle. En premier lieu, Sir Winston Churchill. Il ôte son chapeau et s’incline bas devant la frêle jeune fille, lui, le vainqueur d’Hitler, le vieux et glorieux homme d’État. Car en elle, il reconnaît un principe. En elle, il reconnaît le royaume qu’il a servi. En elle, il reconnaît l’incarnation de la nation.

Pauvre petit Macron. Pauvre petite république et pauvre France.

Stéphane Buffetaut
Stéphane Buffetaut
Chroniqueur à BV, élu de Vendée, ancien député européen

Vos commentaires

22 commentaires

  1. Excellent article!!!Bravo Monsieur Buffetaut ! En quelques mots tout est dit, tout est clair entre le régime monarchique anglais et le notre issu de la Révolution! Certains ont eu besoin de produire des livres de plusieurs pages pour aboutir aux mêmes conclusions et ils ne sont pas toujours aussi convaincants que vous!

  2. Une très grande Dame et très grande Souveraine. Face à elle, le pâle toqué élyséen ne tire pas du tout dans la même catégorie.
    Si on me pardonne la comparaison, il est le poids mouche qui affronte le super-lourd.
    Il est le chef de gang méprisé qui affronte le symbole vivant et adulé du Commonwealth. Il ne s’y trompe pas : s’il s’autorise à tutoyer le Pape, il ne s’autorise pas une telle familiarité déplacée avec Sa Majesté Elizabeth II, Reine du Royaume-Uni de GB et d’Irlande du Nord.

  3. Article tout entier vu à travers le prisme déformant et amplificateur du royalisme.
    Quand je regarde cette photo d’en-tête, je me demande pourtant ce qu’à bien pu faire Charles dans sa vie pour être bardé de médailles élogieuses comme un général soviétique. Courage personnel ou variante moderne de la lorica squamata ?
    Cela dit, le « Never explain, never complain » est d’une dignité remarquable que j’apprécie tout particulièrement.

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