La grève des contrôleurs et chefs de train qui a laissé à quai 200.000 Français à la veille de la fête de Noël revêt un caractère particulièrement écœurant. La volonté de chantage auprès de la direction de la SNCF est évidente, mais ce sont ses clients qui en font les frais. Ladite direction a pourtant fait des offres non négligeables : augmentation des salaires de 5,7 % en 2022, de 5,9 % en 2023, prime de 600 eurod, mesures d’accompagnement au changement de métier au sein de l’entreprise… Le « collectif » à l’origine du mouvement n’en a cure. Et les CGT et SUD Rail, qui n’appellent pas à la grève, ont néanmoins maintenu le préavis. En quelque sorte le « bal des faux-culs ».

Bien entendu, nous avons entendu des syndicalistes, drapés dans leur dignité, nous rappeler que le droit de grève est un droit constitutionnel. Oui, et alors ? Depuis 1789, la France a connu 14 constitutions, preuve que jamais un texte juridique n’a su ou pu garantir un bon gouvernement de la France et ne nous a épargné ni les soubresauts, ni les coups d’État, ni les révolutions, ni les massacres, ni les défaites. En outre, un certain nombre de professions qui assurent des missions de service public n’ont pas le droit de grève, comme les magistrats ou les militaires. Mais, surtout, un droit n’a de sens et de profondeur que s’il a pour contrepartie des devoirs. Sans cette contrepartie, l’on en vient aisément à l’abus de droit ou au privilège.

Certains aiment à proclamer que nous sommes une société de « droits », comme si ces droits se suffisaient à eux-mêmes. Or, les droits, civiques ou sociaux, ont pour pendants des responsabilités qui les justifient. Faute de quoi, l’affirmation de droits de certains vient se confronter à l’affirmation des  droits de certains autres dans une querelle sans fin.

L’Ancien Régime est mort en partie parce qu’une part de l’élite d’alors affirmait hautement des droits mais avait oublié les devoirs qui y étaient attachés. Elle était devenue une banale oligarchie jalouse de prérogatives devenues sans grande justification, d’autant qu’elle s’était refermée sur elle-même, à l’inverse même de la tradition capétienne. Notre oligarchie d’État et nos oligarchies syndicales seraient bien inspirées d’y réfléchir un peu alors même qu’il semble que les commandes ne répondent plus en France ni sur le plan politique ni sur le plan syndical.

Parmi les revendications des contrôleurs et chefs de bord figure la demande de considération. Le moins que l’on puisse dire est qu’eux-mêmes ne font guère preuve de considération à l’égard des Français et des clients de la SNCF. Déjà privés de retrouvailles familiales durant les années Covid, les voilà aujourd’hui pénalisés en raison d’une grève qui les prend en otages et les utilise comme instrument de chantage.

Mais ceci tient aussi à la désacralisation de Noël, d’abord fête chrétienne de l’incarnation de Dieu, singularité du christianisme entre toutes les religions monothéistes, avant que d’être fête de la consommation. Ce qui doit réjouir tous les fanatiques qui s’acharnent à couper notre société, et au-delà notre civilisation, de ses racines spirituelles. Mais ce faisant, il est patent que l’on abat aussi ce qui constitue les liens affectifs, familiaux et sociaux de notre peuple, qui s’expriment encore, malgré tout, de façon éminente lors de la fête de la Nativité.
Cette grève manifeste également l’individualisme triomphant qui est devenu la règle d’or de notre société éclatée. Peu importe la gêne, la déception, la tristesse, la fatigue et l’exaspération de 200.000 Français, alors même qu’elles pouvaient être évitées sans nuire à la force des revendications.

Il est impossible de construire une société solide, stable, solidaire sans le souci de l’autre, du prochain. Le vrai prochain, le voisin, non pas celui qui vit au bout du monde et sur lequel il est si commode de s’apitoyer sans trop de frais. Un monde où le sens du devoir se perd est un monde condamné. Faut-il le regretter ? Encore faudrait-il préparer la relève qui rebâtira la France.

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25 décembre 2022 à 11:30

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