Toulouse : une streameuse coréenne, giflée dans la rue, découvre le vivre ensemble

Un jour, en France : « Tu filmes quoi, toi ? Sale Chinoise ! Casse-toi de là, sale pute !”
capture d'écran
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Elle s'appelle Yoo Yoon-jin. C'est une streameuse, c'est-à-dire qu'elle publie des contenus en direct sur le réseau Twitch. Elle compte plus d'un million d'abonnés et, ce jour-là, le 7 mai, elle avait décidé de faire visiter à sa communauté la belle ville de Toulouse. Elle imaginait sans doute, avec un louable sens de l'esthétique d'autrefois, que ce ne seraient que promenades rue du Languedoc, flâneries le long du canal du Midi, haltes dans de petites rues ombragées, verres en terrasse place du Capitole… Hélas, trois fois hélas, pour elle comme pour nous, la France a changé beaucoup plus vite qu'elle ne l'aurait pensé.

Alors qu'elle était tranquillement arrêtée à une station-service et qu'elle se filmait avec une perche à selfie - cette excroissance du narcissisme contemporain -, elle a eu le malheur de croiser la route d'un « Toulousain ». Elle ne lui avait rien demandé. Elle ne lui avait même pas adressé la parole. Mais malheureusement, il suffit désormais d'être dans le même champ de vision qu'un « jeune » pour risquer de prendre des coups.

« Tu filmes quoi, toi ? Sale Chinoise ! Casse-toi de là, sale pute ! », a commencé cet individu, visiblement « de type nord-africain », apparemment peu habitué à s'adresser aux femmes - outre le fait que cette demoiselle, qui d'ailleurs n'est probablement pas une prostituée, est coréenne et non chinoise - mais on n'en est plus là. Immédiatement, et sans même attendre de savoir ce qu'elle filmait, ce brave homme a fait tomber sa perche, interrompant le direct (bien sûr) mais traumatisant aussi durablement, on s'en doute, cette pauvre jeune femme qui voulait juste visiter la France. France 3 Occitanie, rapportant les faits, en conclut que « la réputation de Toulouse ne va pas en sortir intacte ». C'est fort possible.

Contacté par Le Figaro, le procureur de la République de Toulouse, David Charmatz, a indiqué a nos confrères « avoir saisi la direction interdépartementale de la police nationale de Haute-Garonne (DIPN31) d’une demande d’enquête sur ces faits sous la qualification de violences éventuellement aggravées par leur caractère raciste si l’exploitation de la bande-son permet bien de caractériser les termes "sale Chinoise" repris par les médias et d’outrage sexiste, puisque les termes "sale pute" ressortent, eux, très clairement de celle-ci ». Qu'en termes galants, etc. Précisons, pour conclure l'exposé des faits, que cet excellent Français est reparti tranquillement sur sa trottinette sans être inquiété : après tout, c'est vrai, ça, que filmait-elle ? Il ne le saura peut-être jamais.

Des histoires comme ça, il y en a tous les jours, en France. La plupart du temps, elles arrivent à des Français. Ils ont l'habitude. Et ils sont souvent bien incapables de décrire leur agresseur, c'est normal : ils ne sont pas racistes.

Dans le monde, en revanche, entre ce genre de petits événements et les « débordements en marge des festivités » après le match PSG-Arsenal, on commence à avoir les idées assez claires sur ce que devient notre pays, jadis si beau, aujourd'hui enfer à ciel ouvert. Un million de fans de cette streameuse coréenne, agressée gratuitement parce qu'elle se promenait à Toulouse, savent désormais que, si on n'a pas une bonne raison de s'y rendre, il vaut mieux ne pas venir en France. Ou alors, si on y va, il vaut mieux n'avoir ni téléphone, ni objets de valeur, ni l'intention de vivre normalement. Il n'y a que nous qui soyons prêts à survivre dans cet enfer. Mais n'y sommes-nous pas plutôt contraints ?

 

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Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

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