Taxe GAFA : la véritable origine de la discorde

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« Stupidité » : tel est le mot qu’ose employer – via un tweet acerbe – le président des États-Unis, Donald Trump, contre son homologue français, Emmanuel Macron, concernant la volonté de ce dernier de mettre, sur la table du prochain G7, une taxe qui ciblerait principalement les géants de la Silicon Valley (elle avait été évoquée le 6 mars dernier). Macron ne fait, en réalité, que suivre la Commission européenne, celle-ci engageant des procédures contre Amazon au nom du respect de la concurrence (une enquête a été annoncée le 17 juillet). En juin 2017, la même Commission avait infligé une amende de 2,42 milliards d’euros à Google pour « abus de position dominante », ceci signifiant le lobbying de plus en plus pesant de la part de la firme pour s’acheter les faveurs des dirigeants européens.

Pourtant, Macron ne fait qu’adopter une posture alors que Trump n’a, aucunement, envie de prendre la défense des géants américains du Web. Alors, qu’est-ce qui explique cette vaine empoignade ? Il faut remonter en arrière : en 1996, le gouvernement américain de Bill Clinton (locataire de la Maison-Blanche de 1993 à 2001) décide d’engager de gros investissements dans le développement numérique. Après quoi, en novembre 2007, un certain sénateur de l’Illinois, dont le nom est Barack (Hussein) Obama, passe un pacte avec les maîtres de la Silicon Valley (il récoltera plus de 9 millions de dollars), autrement dit un an avant sa première élection à la tête des USA. Il rend, explicitement, hommage à Sergueï Brin et Larry Page, les fondateurs de l’actuel projet transhumaniste, dans un discours datant du 14 novembre 2007 (toutes ces informations provenant du documentaire intitulé Apple, Google, Facebook : les Nouveaux Maîtres du Monde, diffusé sur France 2, en novembre 2018). Joseph de Maistre avait écrit : « On rampe vers la science, on n’y vole pas. »

In fine, le premier à avoir utilisé des algorithmes pour gagner une élection majeure était Obama, et non pas Trump. Et, de fait, le capitalisme du data ne peut que déboucher sur celui de la surveillance. En outre, il est assez trompeur de parler des « GAFA », comme si ces grandes sociétés n’étaient pas vraiment animées par un projet civilisationnel commun. Le documentaire cité plus haut parle, justement, d’un dîner auquel Obama avait assisté, le 17 février 2011, pour consolider ses liens avec, entre autres, Steve Jobs (fondateur d’Apple, mort en 2011), Mark Zuckerberg (créateur et actuel PDG de Facebook) et Eric Schmidt (à l’époque, dirigeant de Google), et ce, en vue de mieux asseoir sa réélection. Voilà pourquoi il convient de parler du GAFAM : Google Apple Facebook Amazon Microsoft. Il est imprudent, en effet, de minorer le poids de Microsoft (fondé par Bill Gates) dans la collecte massive de données.

D'après le lanceur d’alerte Edward Snowden, la NSA et le FBI auraient saisi les éléments personnels de tous les utilisateurs de la Toile (en juin 2013), ceci expliquant, en partie, l’élection de Trump, en novembre 2016, qui fut, également, une réaction du lobby industrialo-pétrolier américain, en perdition à cause des choix stratégiques d’Obama. Dans ces conditions, le BATX (Baidu Alibaba Tencent Xiaomi) des Chinois ne constitue qu’un bouclier face à ce nouvel expansionnisme états-unien, dans le marché de la surveillance généralisée : ils ne veulent simplement pas partager leurs fichiers avec la Silicon Valley. En définitive, la prochaine guerre froide sera numérique ou ne sera pas.

Henri Feng
Henri Feng
Docteur en histoire de la philosophie

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