Soins palliatifs, aide à mourir : deux textes à l’issue incertaine

Soins palliatifs, aide à mourir… Les promoteurs de l’euthanasie voulaient une seule loi, ses adversaires deux textes bien distincts. François Bayrou a tranché pour les seconds, du moins en apparence. Car ce seront deux propositions de loi qui arriveront à l’Assemblée nationale, le 12 mai. Ce qui permettra un débat commun et un vote simultané, ce qui n’aurait pas été possible en cas de projets de loi. Ce compromis est donc loin de constituer une victoire pour les défenseurs de la vie. Pour éclairer le débat, BV a demandé leur avis à trois personnalités spécialistes de ces questions.
On voulait prendre les parlementaires en otages
Le magistrat Jean-Marie Le Méné, président de la fondation Jérôme-Lejeune, se satisfait que la solution à deux textes soit retenue : « Le texte unique est un piège. Mettre dans un même texte à la fois les soins palliatifs et l'euthanasie, ce serait en quelque sorte prendre en otages les parlementaires. » De fait, « à ceux qui veulent que l’on vote sur les soins palliatifs, on leur dirait "vous avez en même temps l’euthanasie", ce n'est pas possible ». La solution retenue par François Bayrou est donc la bonne ? « Il a été bien inspiré. Et il l’a imposé à Catherine Vautrin. Elle qui vient des Républicains, elle voulait un texte unique. C’est quand même incroyable… » Que peut-on attendre du vote sur chacun de ces textes ? « J'espère que les parlementaires vont se jeter sur le texte sur les soins palliatifs pour le soutenir à fond, et qu’il y aura un désaveu sur l’euthanasie. Mais je ne suis pas du tout sûr du résultat final, parce que dans le contexte politique actuel, on n'est sûr de rien. »
Les soins palliatifs ne peuvent être l'alibi d'une « aide à mourir »
Comment qualifier ce choix d’une double proposition de loi ? Pour Tugdual Derville, porte-parole d’Alliance VITA, « il est préférable en tout cas à la loi unique qui était poussée par le député MoDem Olivier Falorni, qui faisait de la promotion des soins palliatifs l'alibi d'une prétendue aide à mourir ». Mais tout cela n’est pas nouveau : « En effet, c'est le piège dans lequel cherchent à nous enfermer depuis longtemps les promoteurs de l'euthanasie. Et il a d'ailleurs été cautionné par le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) quand il a, par son avis 139, assorti sa promotion du suicide assisté, et d'ailleurs de l'euthanasie pour ceux qui n'auraient pas la capacité de s'administrer eux-mêmes le produit létal, au développement des soins palliatifs. » La question se pose par ailleurs de savoir si les soins palliatifs et l’euthanasie sont compatibles, au-delà de l’intérêt politique du moment. « La société française d'accompagnement et soins palliatifs (SPAP), et plus largement les soignants qui accompagnent les personnes en fin de vie, disent bien qu’il y a une incompatibilité totale entre euthanasie et soins palliatifs. Donc, introduire l'euthanasie dans un contexte, dans une culture palliative, c'est tuer les soins palliatifs. » La séparation en deux textes offre-t-elle alors des garanties suffisantes ? « Il y a un côté artificiel de cette séparation, et nous ne pourrons pas en être dupes. Et puis il y une forme d’indécence à vouloir absolument légiférer en urgence sur l’euthanasie quand on mesure les enjeux dans le domaine de la santé. » La crise du système de santé mériterait donc d’autres priorités législatives ? « Il y a une crise multiforme, qui est bien connue, qui concerne les généralistes, les spécialistes, les urgences, les soins antidouleurs, l'hôpital en général, certaines spécialités comme la psychiatrie ou encore les EHPAD… Dans ce contexte, l’euthanasie est-elle vraiment prioritaire ? »
Des situations difficiles et des souffrances
Quel regard l’homme de médecine, en l’occurrence l’éminent neurologue qu’est Xavier Ducrocq, porte-t-il sur les débats qui s’annoncent sur les soins palliatifs et « l’aide active à mourir » ? « Ce dont on parle, en fait d’aide active à mourir, c'est d’administrer la mort, que ce soit par euthanasie, si c'est un médecin qui le fait, ou dans le cas de suicide assisté, où c'est soi-disant la seule personne qui est concernée, alors que c'est un médecin qui va devoir prescrire et un pharmacien qui va devoir délivrer le produit létal ? Tout cela est d’une hypocrisie complète. » Les promoteurs de ce projet s’appuient pourtant sur la liberté de choix individuelle. « Mais nous sommes des êtres de relation, et tout acte individuel n'est pas sans retentir sur d'autres. Au nom de la liberté individuelle, on veut nous faire passer quelque chose qui dépasse largement la seule personne. » Et avec quelles conséquences ? « Il se passerait ce qui se passe dans les pays où ça a été légalisé ou dépénalisé, en Belgique et au Luxembourg, et pour le suicide assisté, la Suisse, le Canada, où c'est un engrenage phénoménal. » La solution à deux textes est-elle alors la bonne ? « Même si on dissocie les deux, on sent bien qu'il y a cette volonté politique de faire passer une espèce de "droit à mourir", qui est là pour conjurer probablement la peur de mourir de certains, moins nombreux qu’on le dit. » On dit que les Français sont pour… « Où sont les 95 % des Français qui disent vouloir l'euthanasie ? En plus de 40 ans de carrière, je ne les ai pas rencontrés. Ceux que j’ai rencontrés qui m’ont demandé une euthanasie se comptent sur les doigts d'une main. » On dit aussi que certains partent à l’étranger pour y mourir. « Ces deux dernières années, j'ai vu deux patients partir en Belgique. Donc, oui, ça peut arriver. Mais il faut essayer de s'imaginer ce qui se passe, dans ces cas-là. Ça crée des situations très difficiles, qui laisseront toutes s’installer des souffrances. »
Rendez-vous en mai pour des débats tendus, et à l'issue incertaine…

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34 commentaires
Quand on voit le nombre de suicides, notamment en se jetant sous le train, avec obligatoirement 3h de retard pour les 4 à 5000 voyageurs sur la ligne à ce moment-là, on ne peut que souhaiter que ce suicide assisté (qui se passe tranquillement dans un lit sans enquiquiner personne, soit autorisé).
Je suis infirmier (bien qu’à la retraite). Pour avoir les connaissances et l’expérience de ce que sont les soins palliatif, je veux rétablir la vérité à ce sujet. Les soins palliatifs sont administrés lorsque aucune solution médicale ne peut plus espérer empêcher la mort. Ils visent à soulager,voir à éviter au patient de souffrir. Pour cela, il est injecté de la morphine ou de ses dérivés. Ce traitement, à terme, par l’augmentation des doses, conduit à injecter une quantité de plus en plus toxique qui conduira inévitablement à la mort. Il ne s’agit alors que d’un euthanasie lente. Ne soyons pas hypocrite.
Ma mère a été conduite aux urgences d’un hôpital toulousain après un incident circulatoire dans une maison de retraite qui ne l’y a envoyée que huit heures plus tard … il a été décidé aux urgences qu’à son âge on ne tenterait rien et qu’il n’y avait pour elle que les soins palliatifs .. ce qu’on a dit devant elle ! Elle n’avait aucune pathologie sauf de s’ être cassé le col du fémur et d’avoir mal été prise en charge au niveau de la rééducation…. Son désir était de vivre ! On ne m’a jamais demandé mon avis -j’ai tenté de prendre rendez-vous avec les soins palliatifs qui au final m’ont dit qu’ls ne la connaissaient pas – qu’elle dépendait du chef de service de gériatrie lequel affirmait le contraire …. Le 13 jours qu’en je suis arrivée j’ai vu que la dose de morphine avait été triplée et qu’elle était inconsciente … Imaginez le choc ..On peut ainsi donner la mort en France sans demander l’avis ni de la famille , ni du patient ………Un bon moyen d’économiser de l’argent avec des personnes non rentables .Alors réfléchissons ; voulons -nous qu’un jour on décide de nous assassiner ??? car ce fut un assassinat !!
Bayrou a raison. Soins palliatifs oui, aide à mourir = droit de tuer qui sublime les minables du corps médical =NON.
Ce n’est pas si simple que ça . Il y a quelques années, j’ai été confronté au calvaire subi par ma mère atteinte de la maladie d’Alzheimer qui, comme chacun le sait, n’a pas de remède. Voir un être très cher subir une déchéance morale et physique totale qui vont au delà de ce qui est imaginable tout en étant impuissant, c’est insoutenable. C’est un déchirement personnel et une révolte inutile.
Dans les années suivantes, j’ai perdu une de mes filles, âgée de 36 ans et mère d’un petit garçon de 2 ans d’un cancer de l’œsophage. Après plus d’un an de traitement lourd, elle était à la fin, dans un état physique de maigreur inimaginable.
Pour finir, j’ai ma sœur qui est en maison spécialisée parce qu’elle est dans un stade avancé d’Alzheimer, elle aussi. Elle a 77 ans et se trouve dans un état de démence agressive avancé. Elle ne reconnaît plus les membres de sa famille. On connaît tous l’issue fatale qui l’attend.
Alors est-ce qu’il est facile de répondre aux questions « fin de vie » ou « soins palliatifs »?
Pour ma part, il m’est impossible de me prononcer.
C’est une fourberie de traiter ces deux textes simultanément. La logique voudrait qu’un temps d’évaluation des soins palliatifs soit respecté avant d’envisager d’aller plus loin. Pour avoir vécu les soins palliatifs pour des proches je peux témoigner que c’est un accompagnement apaisant et non traumatisant. C’est la solution pour l’immense majorité des patients. Il ne resterait ensuite qu’à trouver une solution digne et humaine pour certains cas très particuliers sans généraliser un droit pour tous.
Ultime manip d’un pouvoir à la rue. Pointer « la fin de vie » pour détourner « la fin du mois. Les français ne sont pas/plus dupes et,là, y’a plus de droite, de gauche ou d’extrême. Ras le bol général, de foutage de gueule organisé.
cela peut -être aussi cela , aussi cacher des erreurs médicales ou des maltraitances !!
Un livre lumineux qui résume magistralement cette situation unique en passe de supprimer également l’âme de la France : « Journal de la fin de vie » de Claire Fourcade, médecin de terrain des soins palliatifs qui depuis 25 ans mène ce combat.
On mesure le fossé immense entre les gouvernants, les lobbies et la réalité du quotidien. Les centaines de milliers de soignants y sont mis à l’honneur. Merci Docteur »Z’yeuxbleus »!
C’est quoi ce monde ! certains veulent totalement tout changer, faire abstration de 2000 ans d’histoire de France.
D’autres nous mettre au pas comme en Roumanie. Pour finir, décider de tuer les gens malades en attendant de limiter les personnes agées avec ces lois