On l’aura aisément compris, le projet de loi censé lutter contre le séparatisme islamiste aura rallumé les vieilles lunes et les vieux réflexes républicains. Alors qu’à Noël, les chrétiens célébraient la naissance de celui qui a demandé de rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu, les serviteurs de César, terrorisés à l’idée de passer pour des islamophobes, tentaient de faire de ce combat contre le séparatisme islamiste un vaste fourre-tout dont les religions seraient un prétexte pour masquer un procès en islamophobie.

Entre le Printemps républicain (mouvement politique français créé, entre autres, par des proches de l’ancien Premier ministre Manuel Valls) qui entend lutter contre l’islamisme en brandissant une laïcité durcie, quitte à demeurer caricaturale, en tout cas rompant avec l’esprit originel de la loi de 1905, et les islamo-gauchistes qui, sous couvert de laïcité « soft », font le lit de l’islamisme radical, les catholiques semblent pris dans une véritable tenaille sémantique et idéologique dont ils peinent à se défaire.

Une tenaille diablement efficace puisque, tétanisés par la peur d’être accusés de complices de l’islamisme et celle de se faire plus laïcs que les pourfendeurs de calotins, les catholiques sont finalement comme l’immense majorité de leurs concitoyens : ils ne comprennent plus grand-chose à la laïcité.

Constitutionnelle, valeur, principe, garante de la liberté de conscience ou outil de persécution publique ? La République affronte, aujourd’hui, un séparatisme de facto alors même qu’elle l’a d’abord initié dans les consciences avant de le subir sur son territoire. Un constat qu’a fait François Clavairoly, président de la Fédération protestante de France auditionné à l’Assemblée nationale, le 4 janvier 2021. « La laïcité n’est plus perçue comme un principe mais comme une valeur. Elle se retrouve instrumentalisée dans un certain nombre de discours qui émane des responsables politiques et des élus. [...] Non, les évangéliques ne sont pas un danger pour la République, il ne faut pas exagérer. Ça suffit, ce discours à l’égard du christianisme dans sa version évangélique. » Une prise de position qui fait écho, en réalité, aux propos d’Aristide Briand, le 27 mai 1904, pendant les débats préparatoires à la loi de séparation. « Ayez du sang-froid, sachez résister aux surenchères, ne craignez pas d’être taxés de modérés. » Une réaction qui se voulait en opposition aux propositions de certains députés anticléricaux.

On peut citer, par exemple, le député Charles Chabert, qui avait déposé un amendement prétendant interdire le port de la soutane dans l’Assemblée nationale. Un amendement repoussé et qui aura permis, accessoirement, à l’abbé Pierre, élu député, de ne jamais la quitter.

De la supériorité des lois divines

L’autre procès inique lancé par ces débats : mettre dans le  même sac l’intégralité des religieux qui mettraient la loi de Dieu au-dessus de celles de la République. Encore une fois, l’amalgame est usé. Si certains principes islamistes vont à l’encontre des lois françaises, si la charia est une concurrente directe à n’importe quel corps législatif européen, on peine à voir lequel des dix commandements s’opposerait à la Constitution et aux lois de la République. « Il est évident que la loi de Dieu est supérieure à toute loi civile, sous Saint Louis, Napoléon ou Macron. Mais la distinction légitime entre le domaine de Dieu et celui de César n'a (presque) jamais posé de difficultés dans les sociétés de culture chrétienne », réagit l’historien Jean Sévillia aux propos de Darmanin créant l’amalgame.

La France n’a rien à gagner dans sa lutte contre le séparatisme islamiste en mettant au même niveau christianisme et islamisme. Le premier a façonné cette nation dont la République a hérité, le second veut la remplacer. En confondant son ennemi et son héritage, la République ne peut que s’affaiblir et tomber dans les bras de ceux qu’elle prétend aujourd’hui combattre.

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02 février 2021 à 16:39

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