S’il y a quelque chose qu’on ne peut pas reprocher à Ségolène Royal, c’est d’être inconstante. En effet, cela doit bien faire trente ans, voire plus, qu’elle est sur la même ligne et qu’elle nous fait le coup du sexisme et de la victimisation. En 2007, par exemple, elle n’avait pas spécialement apprécié les mots que Lionel Jospin avait eus à son endroit dans un livre paru à l’époque, L’Impasse. Dans cet ouvrage, l’ancien Premier ministre avait été jusqu’à mettre en doute les capacités politiques et les qualités humaines de l’ancienne candidate à la présidence ! Ségolène Royal avait alors déclaré : "J’ai l’impression en lisant tous ces ouvrages que si j’étais Jeanne d’Arc, j’aurais déjà été brûlée vive." Très messianique, elle avait même osé : "Pardonnez-leur parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils font." Et, charitable jusqu’au bout des ongles, d’ajouter : "Je pardonne à tous ceux qui m’agressent parce que d’abord je pense qu’ils me font moins de mal à moi qu’aux socialistes…" Une larme était permise.

Mais a-t-elle vraiment pardonné ? On a comme un doute. En tout cas, elle continue d’exploiter à fond son petit commerce de victimisation et accessoires en tout genre féminins. Un truc qui marche bien pour faire le tour des plateaux télé et la promotion de son dernier bouquin, au titre aussi accrocheur que celui d’un roman érotique ou des mémoires de guerre d’une ancienne call-girl : Ce que je peux enfin vous dire. En gros, d'écrire tout ce que les femmes subissent en politique. Notamment les propos misogynes du genre : "Tu as vu celle-là ? Elle serait meilleure à faire autre chose que de s’occuper de son ministère !" Des propos qu’aurait tenus un ministre français sous le règne de Hollande, à l’occasion d’un sommet franco-italien et alors qu’un ministre italien prenait la parole. On se demande, d’ailleurs, avec le culot qu’on connaît à l'ex de François Hollande et sa soif de défendre la noble cause du féminisme, pourquoi, si elle a entendu ces propos, elle n’a pas volé dans les plumes du goujat pour venir au secours de sa consœur en oppression. Il est vrai qu’elle était ministre et qu’elle ne pouvait donc pas encore tout dire.

Or, dans le Marie Claire d’avril, Ségolène Royal livre quelques noms de ces machos dont elle avait tu les noms dans son bouquin. Histoire de donner un coup de boost au chef-d’œuvre ? Allez savoir. Sont donc cités Bernard Cazeneuve, ancien Premier ministre, Jean-Marie Le Guen, ancien secrétaire d’État de Hollande, et Michel Sapin, ministre et copain de régiment de ce même Hollande. Marie Claire a donc contacté les trois compères pour avoir leur réaction. Michel Sapin, prudent, botte en touche, en déclarant qu’il ne sait pas ce que Ségolène Royal lui reproche et qu’en conséquence, il lui est difficile de réagir. "L’anonymat de son écriture n’aide pas à la vérité !" affirme-t-il. Il n’a peut-être pas lu le livre non plus. L'élégant Bernard Cazeneuve, dont on connaît la grande courtoisie mais qui peut être vachard à l'occasion (je n'ai pas dit avec l'occasion), déclare, lui, qu’il voit dans ces propos, qu’il dément évidemment, "de la malveillance et de la méchanceté". Ouh, la méchante ! Quant à Jean-Marie Le Guen, il a carrément sorti le bazooka : "Ségolène passe son temps à dénoncer une classe politique dont elle ne fait que profiter depuis quarante ans. Elle est plus misogyne que bien des hommes politiques. Demandez à Martine Aubry ou Anne Hidalgo ce qu’elles pensent d’elle." Et de planter le dernier clou dans le cercueil capitonné de rose en déclarant qu’il serait temps que Ségolène Royal quitte la scène. Voilà, voilà…

Comme quoi, si la bravitude n’est pas réservée aux hommes, la pestitude, elle, n’est pas l’apanage des femmes. Une façon comme une autre, finalement, d’aller vers l’égalité des sexes.

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12 mars 2019 à 19:08

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