C'est au tribunal correctionnel de Lyon que se déroule le procès du cardinal Barbarin et de 5 autres responsables religieux poursuivis pour non dénonciation d'un prêtre accusé d'abus sexuels sur mineurs dans les années 1980-1990.
En août 2016, le parquet de Lyon avait classé l'affaire sans suite. Mais les victimes regroupées au sein de l'association La Parole Libérée ont cette fois directement saisi la justice.
Au micro de Boulevard Voltaire, Samuel Pruvot qui assiste au procès.


Vous êtes à Lyon pour suivre le procès du Cardinal Barbarin. Cette affaire Barbarin dure depuis plus de deux ans. Peut-on espérer que ce procès en sera le dernier épisode?
Pouvez-vous nous expliquer ce que la justice doit trancher à l’issue de ces audiences?

La justice doit trancher ce que les neuf plaignants ont mis au tribunal.
Paradoxalement, ce jugement a déjà été rendu en août 2016, sur les mêmes faits et avec les mêmes personnes. Il avait conduit à un non-lieu pour le Cardinal.
Les plaignants ont utilisé une procédure assez rare et ‘’expéditive’’, la citation directe. Elle contraint les six prévenus, dont le Cardinal Barbarin, à répondre à des questions qui leur avaient déjà été posées dans le cadre d’une enquête préliminaire.
L’objet est de savoir si le jugement, qui a été rendu en 2016, sera à nouveau rendu dans le même sens. A priori, les plaignants n’ont pas porté à la connaissance du tribunal des faits nouveaux.
Tout l’enjeu est de savoir si le droit ou les usages vont changer sur l’appréciation de ce qui est reproché au cardinal, à savoir la non-dénonciation d’agressions sexuelles sur des mineurs.

Le procès Barbarin sera-t-il le procès de l’Église, de tous ses manquements et errements sur le sujet dramatique de la pédophilie ?

Au-delà même de la personne du Cardinal Barbarin, c’est en effet le procès d’une institution ou du moins de mauvaises pratiques d’une institution. D’ailleurs, la parole libérée, l’association qui a initié et fomenté ce procès, ne cache pas son intention d’en faire un débat public non pas sur un homme, mais sur une institution.
Nous sommes donc en droit de nous demander, que l’on soit catholique ou non, jusqu’où le procédé est correct. Le propre de la justice est de juger un homme sur des faits. Il va de soi qu’en aucun cas, ce procès ne devrait être celui de l’institution catholique en général. C’est pourtant ce qu’il devient aux yeux des médias.


Vous assistez au procès depuis Lyon. Comment avez-vous senti ce premier jour, le Cardinal Barbarin et l’assistance ?
Ce procès se déroule-t-il dans des conditions sereines ?
Le Cardinal Barbarin paraît-il serein ou au contraire torturé ?

Objectivement, on ne peut pas parler de sérénité. D’abord, les plaignants portent une souffrance qu’ils garderont toute leur vie. On ne peut donc pas être serein par rapport à ce qu’ils ont enduré.
Le Cardinal Barbarin ne peut pas, lui non plus, être complètement serein étant donné la pression médiatique qu’il endure depuis 2015.
L’atmosphère est donc pesante à la fois pour les parties civiles et pour les prévenus.
Par ailleurs, les questions posées sont souvent extrêmement fines et techniques. Pour le commun des mortels, pardonnez-moi l’expression, plus on écoute, plus on regarde les choses dans le détail et moins on comprend.
Paradoxalement, l’oeuvre de la justice n’est certes pas instantanée, mais elle est de faire la lumière sur les faits. Et objectivement, quand on écoute l’ensemble de l’affaire en continu, ce qui est mon cas, on a plutôt l’impression inverse. On garde plutôt un sentiment de confusion.
Aucune lumière ne semble être apportée, ni du côté des parties civiles, qui prouveraient l’errance du gouvernement de l’Église ou de Philippe Barbarin, ni du côté de la défense du Cardinal Barbarin où les faits sont très ténus, laborieux et portent des interprétations contradictoires.
Pour l’instant, ce qui prédomine, c’est une certaine confusion.

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08 janvier 2019 à 15:08

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