Chahutée par le monde du spectacle et bien peu écoutée par un gouvernement qui n’imagine guère ce que peut être « la soif de culture » d’un certain nombre de Français, Roselyne Bachelot est sortie de l’ombre, ce lundi, annonçant une grande première pour l’État français : la restitution d’une œuvre majeure aux ayants droit d’une femme spoliée par les nazis.

Il s’agit du seul tableau de Gustav Klimt, peintre phare de la Sécession viennoise, qui figure dans les collections nationales. Acquis tout à fait légalement et payé au prix du marché à un galeriste allemand en 1980, Rosiers sous les arbres tenait une place de choix au musée d’Orsay, cela, d’autant plus qu’il s’agit de la seule œuvre de ce peintre dans les collections nationales. Généreuse, la France a donc décidé de restituer cette œuvre – payée 4 millions de francs à l’époque, sa valeur a explosé – aux descendants de Nora Stiasny.

Cette femme, juive, avait été contrainte de vendre le tableau, hérité de ses oncle et tante Victor et Paula Zuckerkandl, en août 1938. Déportée, elle mourut dans les camps quatre ans plus tard.

Depuis des décennies, ses héritiers cherchent à récupérer ses biens et, donc, quarante ans après une acquisition tout à fait régulière auprès d’un marchand zurichois, la France va « restituer » les Rosiers sous les arbres.

Le Point est allé demander à David Zivie, chef de la Mission de recherche et de restitutions des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945, si l’État français aurait, ce jour ou un autre, les moyens de racheter l’œuvre. Ce faisant, on découvre en effet que « depuis que l'on a commencé à investiguer les collections nationales, chaque fois qu'une œuvre a été identifiée comme spoliée, et les cas sont tout de même encore assez rares, un accord d'indemnisation a été trouvé avec les familles pour que l'État puisse conserver l'œuvre ». Ce ne sera, à l’évidence, pas le cas ici, la dizaine d’ayants droit réclamant le retour des Rosiers, dont la valeur est aujourd’hui « stratosphérique » (autour d’une centaine de millions d’euros, sans doute).

Le ministère de la Culture et le musée d’Orsay « s’enorgueillissent de cette restitution », pourtant demandée par « le musée du Belvédère et l'ambassade d'Autriche qui sont venus les trouver en 2018 » ! Ils avaient restitué à la famille de Nora Stiasny un tableau de Klimt intitulé Pommier II, mais c’était une erreur. Les investigations les ont conduits au musée d’Orsay.

La démarche n’est toutefois pas si simple. En effet, « en vertu des principes d'inaliénabilité et d'imprescriptibilité qui s'appliquent aux collections de l'État, la procédure devra d'ailleurs d'abord être approuvée par le Parlement », dit David Zivie.

Reste un autre point, et non des moindres. Certes, la France a acheté à une galerie zurichoise un tableau qui n'aurait pas dû lui être vendu, mais cela a été fait en toute bonne foi. Généreuse et triomphale, Roselyne Bachelot a tweeté : « Rosiers sous les arbres est le témoin de ces vies qu'une volonté criminelle a obstinément cherché à faire disparaître. La restitution à venir est une reconnaissance des crimes subis par les familles Zuckerkandl et Stiasny, et le juste retour d’un bien qui leur appartient. »

On applaudit des deux mains… mais il n’empêche : cet achat a été réalisé avec des deniers publics et l’on ne voit pas en quoi le contribuable français devrait endosser la responsabilité et le coût des crimes du nazisme subis par les familles !

« Cette restitution marquera l’histoire du musée d’Orsay. Pour la première fois, il s’agit de rendre une œuvre mal acquise en territoire étranger et avant la guerre. Cette décision est lourde mais c’est notre honneur », a déclaré Laurence des Cars, présidente du musée.

C’est beau, c’est généreux, mais alors, que l’Allemagne nous dédommage ! Les contribuables français n’ont pas à être les cocus de l’Histoire.

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17 mars 2021 à 15:30

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