Vive Louis Croix Vé Bâton !

LOUIS XVI

MMXXI : le tour de poitrine d’Obélix ? On ne sait jamais ; personnellement, je m’y perds, dans ces tailles universelles. Non, bien sûr. Les latinistes distingués et amateurs d’Astérix auront évidemment traduit : MMXXI, c’est 2021 en chiffres romains. Il faut reconnaître que, de nos jours, on écrit rarement les années en chiffres romains, d’autant que cela demande une certaine gymnastique de l’esprit, moins à la mode que celle du corps.

Tenez, faisons un test : MCMXIV ? Mille (M) plus mille moins cent (CM), donc 1900, plus quatorze (XIV) : 1914. Autre exemple encore, plus compliqué, cette fois-ci : MDCCXCIII. Mille (M) plus cinq cents (D), plus deux cents (CC), donc 1700, plus cent moins dix (XC), c’est-à-dire quatre-vingt-dix, plus trois (III) : 1793. L’année où fut décapité Louis XVI, pardon Louis Croix Vé Bâton, pour les Inconnus. Re-pardon : Louis 16. Puisque c’est ainsi que l’on écrit, désormais, les chiffres dans certains grands musées. Le Louvre, c’est fait depuis quelques années. Carnavalet (Kernevenoy, en breton !), le musée de l’Histoire de Paris qui, après plus de quatre ans de travaux, aurait dû rouvrir ces jours-ci (si le Covid-19 n’était pas passé par là), s’y met aussi.

Fini la numérotation des siècles en chiffres romains, place aux chiffres arabes. Compréhensibles pour tout le monde, les chiffres arabes, ou tout du moins pour qui sait encore compter sur ses doigts. Universels. Et nos temps modernes et postmodernes sont résolument à l’universalité. L’Église, d’ailleurs, grande précurseure (on dit comme ça ?), avait bien compris le truc, il y a plus d’un demi-siècle, puisque dans un mouvement paradoxal inouï, elle avait fourgué le latin au musée des antiquités. C’est sans doute pour ça, aussi, que les églises n’ont jamais connu une telle affluence. Au fond, aujourd’hui, les musées font en quelque sorte leur aggiornamento, leur réforme liturgique, n’ayons pas peur des mots, leur Vatican II - pardon : Vatican 2.

Mais on s’égare. Quoique. Donc, exit le XXIe siècle, place au 21e siècle. Et les rois, c’est tout pareil : on n’écrit plus Henri IV mais Henri 4. « Nous ne sommes pas contre les chiffres romains, mais ils peuvent être un obstacle à la compréhension », explique, au Figaro, la responsable du service des publics du musée Carnavalet. Nous y voilà. Ce qui, en creux, signifie tout bonnement que « les gens », comme dit Mélenchon, ne seraient plus fichus de lire les chiffres romains. Soixante années d’aventures d’Astérix et Obélix à travers la Gaule, autour du bassin méditerranéen et même jusqu’en Amérique, trente-huit albums au compteur (le trente-neuvième doit sortir en octobre 2021) vendus à près de quatre cents millions d’exemplaires, traduits en cent onze langues et dialectes… Ne parlons même pas de la pendule qui trône dans la cuisine. Et les chiffres romains pourraient être un obstacle à la compréhension du public !

On espère que dans ce louable effort pour être accessible au plus grand nombre, une réflexion va être engagée pour que l’écriture inclusive soit reléguée dans les réserves du musée des horreurs. Pas gagné, à Paris...

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Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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