[Reportage] Les émeutiers devant le tribunal de Nanterre

justice

Ce mardi 4 juillet, au palais de justice de Nanterre, les émeutiers attrapés par la police font face au juge. Dans le département des Hauts-de-Seine, plus de 200 personnes ont été placées en garde à vue lors des émeutes. Une grande partie (174) a été déférée devant le tribunal.

L’après-midi est bien avancée lorsque arrivent les deux prévenus liés aux émeutes. Deux « jeunes », vêtus de noir, les cheveux hérissés de courtes nattes, entrent dans la cage de verre du box des accusés, les mains menottées dans le dos. Ils ont 20 et 23 ans, sont tous les deux nés à Clichy et sont accusés de faits graves. Le premier, H., grand, costaud, athlétique, aurait menacé de mort des policiers et incité à venger Nahel. Le second, Z., plus petit et peu loquace, aurait détenu et transporté des engins incendiaires.

Le clou du dossier, ce sont les vidéos, récupérées et visionnées par la police, tournées par H. Personne ne met en doute leur authenticité. Les menaces de crimes et de délits contre les policiers s’y manifestent dans le langage fleuri des banlieues :

- Les chicken [littéralement « poulets », en anglais], on va les éteindre, lance l’homme cagoulé.

- Regardez sa tête de chicken, reprend le même en montrant une publicité dans laquelle un acteur joue en effet le rôle d’un policier. On va les éteindre, répète-t-il.

« Regardez sa tête de chicken qui tue des enfants »

Les vidéos traduisent bien le rapport à la France des émeutiers et d’une partie des banlieues.

- Ca va être sale, reprend notre cagoulé. Demain, ça va être les mortiers contre les flash-balls. Les policiers vont être en pénurie, ça va être comme en 2005. Restez branchés, la famille !

Et à l’intention de ceux qui seraient tentés de respecter la loi et le calme, il précise :

- J’espère que vous allez pas faire les chaussettes !

Le feu d’artifice se poursuit :

- Demain les mans [les hommes, les amis, NDLR], on va se bouffer du chicken.

À ce moment, précise le juge, au cas où les « mans » auraient du mal à saisir de quoi il s’agit, la caméra zoome sur un policier. Notre poète de banlieue poursuit :

- On va manger de la bonne, du bon kebab, on va les bouffer, ces bâtards. Regardez sa tête de chicken qui tue des enfants ! Restez branchés !

Mais voilà, la cagoule a glissé un instant et les policiers ont immédiatement reconnu H. Les gendarmes ont alors fait une descente, le 3 juillet, à 6 h du matin. En vain. Le charmant oiseau s’est envolé. H. est interpellé une heure plus tard avec son ami Z. Chez Z., les policiers ont trouvé trois téléphones portables, une tablette et une veste signée d’un logo Nike™, immédiatement reconnue par les policiers comme celle que porte l’auteur masqué de la vidéo. Z., lui, clame son innocence. Il n’a rien à voir avec tout cela. Il a passé des affaires, il a rendu service, c’est tout.

« On allait vraiment manger du poulet »

Son compagnon H., principal mis en cause, parle dans un sabir difficilement audible. Le juge lui fait répéter presque systématiquement ses propos. Sa vidéo en direct des Champs-Élysées, le 3 juillet, a retenu 1.000 à 1.500 spectateurs en direct. Il y a eu des débats, certains ont envoyé des messages provocants. Alors, ses propos ont dépassé sa pensée, explique-t-il.

- Sur TikTok, tout ce que j’ai dit, je l’ai dit mais j’étais inconscient. Je répondais : Je vais brûler ta maison, sale facho ! Des fils de policiers me menaçaient. Je regrette d’avoir répondu aux insultes.

- J’étais matrixé, dira-t-il plus tard.

H. raconte qu’il souffre de troubles du comportement, qu’un expert a dit aux policiers qu’il était bipolaire. On ne trouve pas trace de cette expertise dans le dossier.

Il y a tout de même un mystère. H. n’a pas de téléphone, dit-il. Il en a emprunté un à une amie du quartier.

- Vous avez plusieurs milliers d’abonnés sur les réseaux sociaux et vous n’avez pas de téléphone ?, interroge le juge.

H. confirme. Son avocat lui chuchote quelque chose. Celui qu’on a trouvé sous veste n’est pas à lui…

- Mais ce sort funeste promis aux chicken ?, interroge le juge.

- Chicken, c’est une référence de nourriture, ose très sérieusement H. On allait vraiment manger du poulet (sic).

Le juge :

- Je suis désolé, mais vous avez vraiment dit tout et n’importe quoi ! Les policiers disent : M. H. nous a vraiment pris pour des idiots. « Bâtards », c’est du pain ou c’est une insulte ?

Explication confuse, H. voulait pas le dire, mais il l’a dit… On en vient à cet acteur faux policier dénoncé dans la vidéo et contre lequel il a appelé à la violence. L’acteur a eu peur et il a objectivement des raisons d’avoir peur : un policier a été roué de coups à Marseille, explique le juge. H. se récrie. C’est pas lui. Lui était sous l’effet de la drogue.

- Dans ma tête, c’était que sur Internet !

Et quand il dit que « Ça va être sale. Demain, ça va être les mortiers contre les flash-balls » ?

- Je lisais un commentaire, assure H.

Quand il évoque la tête du faux policier, « sa tête de Michel », que veut-il dire ?

- Sa tête de Michel, c’est comme si je disais sa tête de Mustapha !, explique H.

Un psychiatre s’est penché sur H. : « Aucune empathie, influent, rejette sur les autres ce qu’on lui reproche, pas de troubles, discernement ni altéré ni aboli », précise le juge. On en vient aux casiers : trois mentions pour Z., pour port d’armes blanches, violences en réunion, conduite et usage de stup'. Il habite chez sa mère avec un frère, une sœur et un cousin. Il n’a pas de relations avec son père. Il a arrêté ses études avant le bac à cause de ses ennuis judiciaires. Il voudrait ouvrir un restaurant avec sa mère.

« Une main tendue de la justice »

Z. est, lui aussi, hébergé chez sa mère. Placé en foyer à 3 ans, études arrêtées à 16 ans, le père « travaille loin ». Il a écopé de 400 euros d’amendes pour port d’arme blanche. Ses faibles moyens lui ont tout de même permis de fumer jusqu’à 20 joints par jour ! Il essaie d’arrêter. Le ministère public ne tremble pas. Z. a provoqué un attroupement armé sur les réseaux, il appelle à la violence contre les policiers et à la guérilla urbaine, il menace l’autorité publique ainsi que l’acteur habillé en policier. Il demande six mois d’emprisonnement aménageable, une amende de mille euros et une interdiction de port d’armes de cinq ans.

Verdict : Z. est relaxé sur l’ensemble des faits qui lui sont reprochés. H. est condamné à douze mois de rétention, assortis d’un sursis probatoire de deux ans durant lesquels il ne devra pas commettre d’infraction, il devra signaler ses changements de domicile, se former et suivre des soins psychologiques et addictologiques. Il écope d’une amende de… 127 euros. Une peine légère, inespérée, vu les charges et la gravité des faits. Laxisme ?

- C’est une main tendue de la justice, lui précise le juge.

L’assistance quitte la salle. Le juge se tourne une dernière fois vers H. :

- Vous auriez pu tomber sur une juridiction qui vous condamne de manière beaucoup plus lourde, lui précise-t-il.

H. fait entendre un son inintelligible. Est-il soulagé ? Déçu ?

On croise ses trois amis qui ont assisté à l’audience dans le public, issus de la diversité comme on dit, un grand athlétique, un petit coiffé d’un bob bizarre, un « jeune » lambda. Ils discutent à l’étage du dessous.

- Frérot, je te dis, H., il est trop con, lance le plus grand en taille. T’as vu comment y parle au juge ? Il est trop con !

Les « frérots » approuvent dans un borborygme.

Marc Baudriller
Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

39 commentaires

  1. A quand le retour de baton pour les juges, ce jour où ils seront menacés ainsi que leurs familles, il faudra bien qu’ils se souviennent de leur systématiques rappels à la loi qui ont permis à toutes ces chances pour la france de ne plus craindre la police et la justice

  2. C’est à se demander si les Avocats et les Juges ne sont pas menacés de mort par les familles de ces racailles si le verdict ne leur convient pas. Si c’est le cas, durant l’audience, ces personnes devraient apparaître cagoulées elles aussi jusqu’aux yeux pour éviter toutes représailles à l’avenir.

  3. Vu qu’il n’y a plus de place en prison, la sanction devrait consister à leur faire réparer les dégâts qu’ils ont causés. Nettoyage, reconstruction avec un minimum d’engins pour leur apprendre ce que c’est que l’effort, logement sous une tente avec le minimum de confort. Des journées de huit heures avec des repas confectionnés par eux même et non décompté de leur temps de travail. Soyons généreux et offrons leur seulement les denrées brutes et s’ils les abiment, rien de plus.

  4. Un remède naturel contre la constipation est l’assistance à une audience de la justice de Me Dupond-Moretti et du syndicat de la magistrature contre les émeutiers! En effet elle est non seulement laxiste, mais laxative!

  5. Très folklorique….à transférer comme pièce à conviction de cette « justice » (???) nouvelle version.

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