Redoubler ou ne pas redoubler ?

Le redoublement de nouveau autorisé par M. Blanquer, est-ce une bonne chose ou non ? Cette question fait partie des « pots de miel », c’est-à-dire de ces questions qui cristallisent le débat pour empêcher que l’on se penche sur les vraies questions.

Les partisans du redoublement arguent, à juste titre, qu’il ne sert à rien de laisser passer en classe supérieure un élève qui n’a pas acquis les connaissance de la classe précédente. C’est ce qu’a dit le ministre au Parisien. Les adversaires du redoublement avancent que les élèves qui ont redoublé réussissent moins bien que ceux qui n’ont pas redoublé. Et c’est vrai.

La première raison de ce qui semble être une inefficacité du redoublement, c’est que les élèves qui le subissent ont des difficultés avec les exigences scolaires. On peut bien lui faire recommencer une année, on ne transformera pas un cheval de trait en pur-sang.

La deuxième raison est qu’en France, on laisse le plus souvent les redoublants faire une nouvelle fois le programme dans une classe normale, à effectif normal, comme si c’était un élève normal. Ce qui a échoué une première fois risque fort d’échouer une deuxième. C’est que le système scolaire français se contente de constater l’échec d’un élève sans forcément se demander quelles sont les raisons de cet échec et comment y remédier.

Si le ministère précédent a décidé d’interdire le redoublement, sauf exceptions, c’est moins par souci de la réussite des élèves (quoi qu’il en ait dit) que par souci d’économie. Allonger la scolarité d’une partie des jeunes Français coûte de l’argent. Mais, paradoxalement, se contenter du redoublement traduit aussi un souci d'économie. Un redoublant, ce n’est jamais qu’un élève de plus dans une classe, il ne requiert pas d’enseignant ni de locaux supplémentaires. Dans les deux cas, le problème est qu’on raisonne de manière statistique et économique, pas de manière pédagogique.

Les pays nordiques, souvent cités en exemple quand il s’agit de condamner le redoublement, n’hésitent pas à sortir pour un temps les élèves en difficulté de la classe normale et à les placer dans des groupes réduits (une dizaine d’élèves) encadrés par deux enseignants. Un soutien ou une remise à niveau personnalisée est alors possible et peut être efficace. Mais cela a un prix. La question est de savoir si la réussite de tous les élèves mérite qu’on y mette le prix.

M. Blanquer semble avoir pris en compte cette nécessité de personnaliser le soutien scolaire avec son projet de stage de remise à niveau pendant les congés scolaires. Sera-ce une bonne réponse ? L’avenir nous le dira. L’approche du nouveau ministre, et son traitement du redoublement semble le montrer, est pragmatique plus qu’idéologique. S’il privilégie ce qui fonctionne plutôt que ce qui est conforme à sa représentation de l’école, peut-être obtiendra-t-il quelques résultats. Pour peu que les tenants de l’égalitarisme soient mis au pas, eux qui confondent l’égalité avec l’uniformité. Pour peu, aussi, qu’il ose mettre en cause les méthodes d’apprentissage qui sont souvent à l’origine des difficultés des élèves.

Pierre Van Ommeslaeghe
Pierre Van Ommeslaeghe
Professeur de philosophie

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