RATP, avocats, cheminots… La rébellion contre la réforme des retraites est-elle justifiée ?

Les grèves SNCF perturbent beaucoup les usagers pour aller travailler ou se déplacer. Ce mardi matin, la presse évoquait des routes d'Île-de-France fortement embouteillées mais, en province, la rareté des RER ne rend pas la circulation plus facile. L'appel des cheminots à manifester contre le projet de réforme des retraites fait de cette journée une « journée compliquée », selon le secrétaire d'État aux Transports, qui réfutait, ce matin, sur France 2, le terme de « journée noire ». Il est vrai que, lorsqu'on dispose d'une voiture de fonction, il est difficile de se mettre à la place du Français de base.

On a trop tendance à juger de la pertinence de mouvements sociaux en fonction de sa situation personnelle. On considère souvent que les employés de la SNCF ayant le statut de cheminot bénéficient de nombreux avantages. Quand ils protestent contre la disparition programmée de leur régime spécial de retraite, on a envie de leur signifier qu'ils défendent des privilèges d'un autre âge. On pourrait en dire autant du régime des fonctionnaires et de la plupart des régimes spéciaux.

C'est oublier que tous ces régimes ont une histoire et qu'il n'est pas possible de les remettre en question sans que les transformations soient expliquées, négociées et comprises par les personnels concernés. Le gouvernement, loin de prendre cette route, dresse les Français les uns contre les autres en prétendant construire un système plus juste et plus équitable. Diviser pour régner, c'est une stratégie visant à semer la discorde pour mieux imposer ses vues que Machiavel a théorisée. Il faut éviter de tomber dans ce piège et de donner raison aux princes qui nous dirigent, dont les intentions ne sont pas nécessairement dénuées d'arrière-pensées.

Bien au contraire, tout donne à croire que l'exécutif cherche à abuser les Français. Si une réforme des retraites est indispensable pour assurer la pérennité d'un système par répartition, rien ne prouve que le projet en cours soit la meilleure solution. La retraite par points, telle qu'elle est envisagée, n'assure aucune garantie. Le gouvernement peut, à tout moment, jouer sur la valeur du point et la célèbre formule de Macron « Un euro cotisé doit donner les mêmes droits pour tous » est un slogan publicitaire, faussement égalitaire, qui ne correspond pas à la réalité.

Prenons l'exemple des personnels enseignants, qui n'ont pas encore protesté massivement contre la réforme. Non seulement leurs primes, qui pourraient donner lieu à cotisation, ne sont pas élevées, mais ils sont parmi les moins bien payés dans les pays de l'OCDE. Les premières simulations montrent qu'ils pourraient perdre en moyenne 30 % de leur pension - près de 800 euros ! Quel salarié du public ou du privé pourrait accepter une telle amputation ? Le seul moyen d'augmenter le montant de leur retraite serait de multiplier les heures supplémentaires. Croit-on que la qualité de l'enseignement en tirerait avantage ?

Si on la regarde de près, la réforme projetée vise d'abord à faire des économies et à favoriser, dans l'avenir, les retraites par capitalisation, que tous les Français ne pourront pas s'offrir. Gardons-nous de juger trop rapidement les professions qui protestent contre une réforme d'autant plus injuste qu'elle se donne les fausses apparences de la justice.

Comme dans La Ferme des animaux de George Orwell, dans la société macronienne, « tous les animaux sont égaux mais certains sont plus égaux que d'autres ». Pour contraindre le gouvernement à modifier sa réforme, il faut que les Français restent unis et ne cèdent pas à la tentation du chacun pour soi.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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