Qui dit la vérité économique : Bruxelles ou Rome ?
Moody's Investors Service a annoncé, le 19 octobre, avoir abaissé la note souveraine de l'Italie (note attribuée à sa dette à long terme) pour la ramener de Baa2 à Baa3 (un échelon, seulement, au-dessus de la catégorie "spéculative", "junk" ou "non investment").
La prétendue "agence" Moody's est, en réalité, une société à but lucratif d'estimation des risques économiques qui travaille pour les banques. Cette société dit voir une dégradation des perspectives de déficit et l'arrêt des "réformes structurelles". "Les projets de mesures budgétaires et économiques du gouvernement ne constituent pas un agenda cohérent de réformes qui [résoudra] les problèmes de croissance décevante." Moody's explique sa décision par "une dégradation marquée de la solidité budgétaire de l'Italie, avec des objectifs gouvernementaux de déficits budgétaires pour les années à venir supérieurs à ce que Moody's prévoyait auparavant" et par "les conséquences défavorables pour la croissance à moyen terme de l'arrêt des projets de réformes économiques et budgétaires structurelles". Les agents de la finance - et Bruxelles - évoquent sans cesse le concept de "réforme structurelle".
En réalité, pour eux, il s'agit seulement des mesures budgétaires d'augmentation des impôts et de réduction des dépenses, des investissements publics et des prestations sociales. Ils confondent donc, volontairement, la structure du budget et celle de l'économie. On nous explique que la dette de l'État italien est de 132 % de son PIB et qu'il faut donc la réduire. Soit. On observera, au passage, que le ratio de la dette de la Chine à son PIB est, lui, de 300 % ! Mais aucun maître d'école ne vient menacer de la punir. Or, le 24 octobre, Bruxelles a refusé le budget italien. Une première.
Une réflexion simple conduit, quand on a deux valeurs, celle du PIB et celle de la dette de 132 % (la France dépasse désormais les 100 %), à poser deux questions rationnelles :
- Ce ratio est-il grave ? En quoi ? Pour qui ?
- Le resserrement budgétaire est-il bien le seul moyen de corriger cet éventuel défaut ?
À la première question, on répondra qu'il n'est certes pas souhaitable, pour pouvoir préserver l'action de l'État, que trop d'argent serve à payer des intérêts. Ainsi, en France, c'est la totalité du douloureux impôt sur le revenu qui est consacré au paiement des intérêts de la dette. Mais, en réalité, une dette publique trop lourde est dangereuse surtout pour les créanciers qui risquent de ne pas recouvrer leurs créances (défaut). Et le système est totalement pervers sous au moins deux angles. Les banques prêtent le plus souvent de l'argent qu'elles n'ont pas ; c'est l'émission monétaire (jeux d'écriture) par les banques : de la fausse monnaie (Maurice Allais). Et plus la situation budgétaire d'un pays se dégrade, plus sa notation par les "agences" se dégrade, et plus les intérêts augmentent : le créancier tue son débiteur !
Sur la deuxième question. Il existe, à l'évidence, un moyen bien meilleur que le resserrement budgétaire pour améliorer et conforter la situation économique et sociale d'une nation : l'augmentation du PIB. Ainsi, non seulement il y a rééquilibrage mécanique du ratio dette/PIB, mais aussi augmentation de l'assiette imposable et, donc, des rentrées fiscales, ce qui réduit le déficit budgétaire, autre sujet de préoccupation. Les Italiens ont choisi une telle politique globale de relance : intelligente, humaine et respectueuse des engagements électoraux.
Bruxelles préfère s'aligner sur les critères de la finance. Rappelons qu'en 1931, Moody's (déjà) abaissa la note de la Grèce, ce qui la déstabilisa : il y eut des émeutes graves, en 1936, le général Ioánnis Metaxás prit le pouvoir par un coup d’État puis, en 1940, Mussolini envahit militairement la Grèce. En 2007, les "agences" furent accusées du gonflement de la bulle puis de son éclatement. Début août 2016, Moody's portait un jugement (!) sur les programmes de Donald Trump et de Hillary Clinton : "Alors que le programme de la démocrate permettrait la création d'emplois, celui de son rival entraînerait des destructions en masse et une fragilisation de l'économie américaine." Qui ment et qui dit la vérité ?
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